Article de Jon Biran et Alexis Legrand (MS EEDD parcours IGE 2023-24)

Introduction

Le sport n’est pas le secteur le plus au cœur des sujets de transition écologique, néanmoins, comme tout secteur, il doit se décarboner. En effet, même si l’empreinte carbone du secteur sportif n’est estimée qu’à moins de 1 % de l’empreinte carbone française, il ne faut pas négliger le rôle de la transition des secteurs perçus comme faiblement émissif pour une transition holistique réussie. De plus, le sport est l’un des secteurs les plus impactés par le réchauffement climatique et peut devenir un modèle de résilience pour les autres secteurs.

Le Shift Project a publié ce 19 mars 2024 son rapport intermédiaire “Décarbonons les stades”. Ce rapport a pour but d’estimer l’empreinte carbone des manifestations sportives dans les stades, comme le football ou le rugby. Il montre la part importante des transports des supporters dans l’empreinte carbone totale des évènements sportifs, celle-ci étant supérieure à 60 %.

Plus la taille de l’évènement augmente, plus la part des émissions liées aux transports est importante, dû en grande partie au rayonnement de l’évènement. Les distances sont plus longues et les moyens de transports plus carbonés. L’alimentation quant à elle représente environ 15 % de l’empreinte carbone totale de l’évènement. À l’échelle de la France, sur un an, ces deux postes d’émissions (transport et alimentation) représentent 51 % des émissions de GES totales (source haut conseil pour le climat 2023).

The Shift Project, ”Décarbonons les stade” 2023
The Shift Project, ”Décarbonons les stade” 2023

Et si le sport de demain était un vecteur de changement et de sensibilisation ?

Les sportifs de haut niveau comptent de longue date parmi les personnalités les plus populaires : 40 % des personnages historiques influents sont issus du milieu sportif¹. Le sport est aussi un espace de socialisation majeur : 60 % des Français pratiquent une activité chaque semaine², et à ce titre, un vecteur de valeur. Et si le sport devenait un levier ?

C’est ce que nous allons essayer de mettre en récit dans cet article : comment un changement de paradigme du sport peut accompagner la transition écologique.

Quel football professionnel en 2050 ?

Nous sommes en 2050, l’équipe de France de football va enfin retrouver la finale d’une coupe du monde. Cela fait maintenant 28 ans que la France l’attend. Alors que le sport professionnel et notamment le football a continué sur son ancien modèle sans prendre en compte les enjeux environnementaux, es coupes du monde avaient dû être  déplacées en hiver pour fuir la chaleur écrasante de l’été malgré la banalisation des stades climatisés.

Les problèmes de chaleur se posant peu à peu dans de nombreux pays et à tous les niveaux, l’IFAB, gardienne des lois du jeu, a fait sa révolution en s’est réinventée en  2040 en bouleversant la, et acté le bouleversement de la pratique majoritaire du football. Les terrains on été réduits de moitié pour s’adapter au changement climatique et à la baisse de la ressource en eau. Les équipes ne jouent maintenant plus qu’à 7 et durant 60 min.

La FIFA s’est fortement inspirée de la montée en puissance du futsal chez les jeunes à partir des années 2020, notamment grâce aux réseaux sociaux. Cette pratique plus respectueuse de l’environnement est venue concurrencer la popularité du football à 11. La FIFA en a largement tiré les bénéfices avec une augmentation fulgurante des licenciés amateurs.  et a fortement impacté les bénéfices tirés de la FIFA, notamment sur le nombre de licenciés dans les clubs amateurs.

La physionomie des stades a elle aussi été transformée avec la multiplication des plantations d’espèces d’herbes différentes. L’entretien était devenu de fait impossible avec le manque d’eau et les attaques de champignons comme le Pyricularia suite aux importants épisodes de canicules³ de 2023.

La dynamique du jeu offre désormais un spectacle de haute voltige aux spectateurs qui viennent de plus en plus nombreux. Le rythme des matchs et la réduction du temps ne laissent plus la place aux parlementations avec l’arbitre qui lassaient les supporters dans les années 20. Depuis 2040, les déplacements internationaux dans le cadre des loisirs sont interdits, alors les fans zones se sont développées partout dans le monde.

L’ambiance est retransmise en direct dans les enceintes du stade. Notons qu’en plus des incitations réglementaires, des contraintes économiques viennent faciliter cette transformation. En France, Le prix d’une place dans un stade, pour assister à un match de coupe du monde, a triplé en 20 ans. L’aéronautique a aussi fortement augmenté ses tarifs, après le retrait des subventions des États au profit du train, le billet d’avion est devenu trop cher pour un citoyen de classe moyenne.

Les joueurs, conscients des enjeux environnementaux et de leur responsabilité avaient opéré leur révolution dans leur déplacements quotidiens (en vélo mécanisés pour les entraînements) et se rendent aux matchs en train depuis plus de 10 ans déjà (lorsque le char à voile n’est pas opérationnel).

Ces changement profonds dans le football professionnel a facilité l’acceptation sociale de la transition écologique et a favorisé  le changement des mentalités de manière globale et raisonnée.

Cette transformation a pris du temps. il Il a été nécessaire de former les joueurs de hauts niveaux et dans tous les sports : mesures d’impact, sensibilisation au dérèglement climatique. En 2024, des activistes comme Camille Étienne et Thomas Wagner,alias “Bon Pote”⁴ avaient initié des formations spécialisées.

Certains sportifs de haut niveau, précurseurs, ont montré la voie comme Ainhoa Leiceaga⁵ dans les années 2020 qui a arrêté de prendre l’avion pour réaliser ses compétitions à l’autre bout de la planète. La société civile avait joué tout son rôle en faisant pression. Il n’était plus acceptable de voir les joueurs prendre des jets privés tous les 3 jours alors qu’il leur était demandé d’abandonner la voiture en ville. Les voix contre les inégalités sociales s’élevaient dans les manifestations pour le climat.

Les 30 premières minutes sont terminées, c’est le moment pour les supporters de la fan zone de profiter d’une bière locale à la buvette et de profiter de snackings à majorité végétariens, en refaisant le match. Les sportifs de haut niveau ont progressivement abandonné les régimes carnés. à l’instar d’anciennes légendes du sport comme Lewis Hamilton et Novak Djokovic, n’en démontrent les étagères de trophées, la relation viande et performance étaient devenue totalement désuète.

Le double mouvement supporter/sportifs de haut niveau, allant dans le même sens, pour atténuer le dérèglement climatique et réduire les inégalités sociales à naturellement conduit au partage des ressources financières. Les footballeurs, jusqu’alors grassement rémunérés, se sont mis à financer les infrastructures sportives des villes de campagne et cités, pour permettre une meilleure insertion sociale des jeunes ruraux.

Après une deuxième mi-temps pleine de péripéties et un but du capitaine Eden Matuidi pour son dernier match avec l’équipe de France, c’est la fin du match, la France glane enfin sa troisième coupe du monde ! Il sera possible demain pour les détenteurs du maillot actuel, celui de 2018 ou bien de 1998, d’aller broder une nouvelle étoile sur le maillot, car maintenant les maillots restent les mêmes d’année en année. – Là aussi, l’industrie du textile avait procédé à sa transformation en profondeur aux alentours de 2030 avec des merchandisings plus éco-responsables et éthiques –

Futur du sport amateur en 2050 – Durabilité et Nouvelles Perspectives

Le sport amateur, bien qu’il puisse sembler moins impactant à première vue, contribue autant à la pression sur les ressources naturelles locales, l’arrosage des terrains représente 100 millions de m3 d’eau consommés chaque année soit environ le tiers de la consommation en eau des communes⁶, qu’à la production de déchets. Les clubs sportifs locaux doivent relever le défi de concilier la pratique du sport avec la préservation de l’environnement dans leurs communautés.

Pour cela, une collaboration étroite entre les différentes parties prenantes est essentielle. Le gouvernement, les mairies, les organisations sportives et les habitants doivent coopérer pour élaborer des politiques et des stratégies efficaces. À partir des années 2010, des dynamiques d’actions se mettent en place dans un contexte de nouvelle politique de responsabilité sociétale de la FFF, appelé « Marquer Demain ».

Des guides pratiques aux éco-gestes dans le football amateur voient le jour⁷⁸, et des initiatives de développement durables sont recensées pour inspirer le plus grand nombre⁹. Ces initiatives permettent aux clubs amateurs de mettre en œuvre des actions concrètes pour préserver leur environnement direct. Selon elles,

« Le club de football est un formidable lieu d’éducation et d’initiatives. Il possède un véritable rôle de prescripteur. Il peut accompagner ses licenciés, notamment ses jeunes, dans l’application de bons écogeste.»

Une semaine après la victoire de la France en coupe du monde, Chloé, 12 ans habitante de Sotteville-lès-Rouen en Normandie, annonce à ses parents qu’elle veut commencer le football, dans le club le plus proche à 7 km de chez elle. La mobilité douce s’est fortement développée en France.

Les villes ont toutes mis en œuvre leur schéma de déplacement cyclable sont maintenant sécurisées pour le cycliste et les jeunes apprennent autant à pédaler qu’à nager à l’école. L’entraîneur du club, qui vit tout près de chez Chloé, a mis en place un système de trajet partagé à vélo. Tous les enfants se retrouvent au Cycl’havre, une zone de regroupement pour cyclistes, et démarrent un trajet de 35 min à vélo, accompagnés de leur entraîneur et de parents qui se relaient par groupe de deux pour accompagner les enfants chaque semaine. Ce trajet fait partie de l’échauffement, comme pour les professionnels, et Chloé apprend à l’apprécier.

Les clubs locaux et les associations sportives étaient souvent confrontés à des contraintes budgétaires et logistiques, ce qui rendait la transition vers des pratiques durables plus complexes. Les infrastructures sportives locales, généralement obsolètes, représentaient en 2020 un défi en termes d’efficacité énergétique et d’utilisation des ressources.

Pour rebondir, les clubs se sont diversifiés. On parle maintenant d’ailleurs de centre omnisports, les enfants peuvent pratiquer le sport qu’ils désirent en fonction de leur envie et du programme organisé par les bénévoles des centres, pratique pour éviter les trombes d’eau en plein hiver. Le nombre de bénévoles a fortement augmenté grâce à une réorganisation sociétale du temps de travail. Les parents ont plus le temps de s’investir dans les clubs de leurs enfants, mais aussi, de pratiquer une activité physique régulière.

En France, une culture de l’activité physique et sportive pour tous s’est installée et implique de dépasser la conception du sport comme un défi personnel pour embrasser des pratiques avec des valeurs axées sur le bien-être et une mobilité quotidienne et intergénérationnelle. À l’époque, les enfants pouvaient se retrouver à faire des dizaines de kilomètres pour pouvoir jouer dans un club de leur niveau, car celui de leur commune était trop sélectif.

Maintenant, les clubs “prestigieux” au niveau régional peuvent garder leur équipe 1 sélective. Cependant, ils doivent respecter, dans ces équipes, des quotas élevés de joueurs, vivant à moins d’un certain nombre de kilomètres. Ils sont aussi dans l’obligation d’accueillir tous les enfants demandeurs, s’il s’agit du club le plus proche de chez eux. Cela a créé un remaniement et une appropriation territoriale des règles du football en fonction de l’équipement disponible, du nombre d’enfants dans les différentes équipes et des enjeux territoriaux.

Les fédérations sportives ont aussi joué un rôle essentiel, pour aider les clubs, en fournissant des conseils et des ressources aux clubs amateurs pour les aider à devenir plus durables et résilients. Des incitations financières et des subventions pour les initiatives durables ont par ailleurs encourager les clubs à s’investir dans des pratiques respectueuses de l’environnement telles que la collecte des déchets sur les terrains de jeu, l’installation de panneaux solaires pour alimenter les lumières du stade ou de la salle et l’organisation de journées de sensibilisation à la durabilité pour les joueurs et les supporters.  Par exemple, Chloé pourra profiter de sensibilisation à la biodiversité locale autour du stade, pour comprendre dans quel environnement elle évolue quand elle joue au football.

De nombreux gymnases et infrastructures ont été rénovés grâce au fond “transition” de l’État, débloqué en 2030 grâce aux taxes et efforts des athlètes. Les équipements sportifs, qu’ils soient à destination des pratiquants ou des clubs, seront fabriqués à partir de matériaux durables, recyclés et labellisés. Des filières de partage et de réemploi d’équipements sportifs ont vu le jour dans les territoires. Des volontaires apprennent aux enfants à réparer un vélo, une cage de foot vétuste ou même des chasubles trouées. Ces activités ludiques permettent d’utiliser les infrastructures sportives lorsque celles-ci ne sont pas utilisées.

Jimmy Bercon, ancien entraîneur international de kayak puis formateur sur les enjeux Sport et Environnement/Climat disait en 2024 :

“Le sport est l’un des secteurs les plus faciles à transformer car il suffit de changer les règles.”

Vingt-six ans plus tard, nous pouvons nous rendre compte de la justesse de cette phrase. Les règles sont en train de changer que cela soit pour le sport professionnel ou amateur. Celles du sport même, avec des terrains plus petits et moins standardisés, une appropriation territoriale des règles en fonction des enjeux et un changement radical de consommation des équipements sportifs.

Concernant l’appropriation territoriale du sport, nous pouvons y voir un certain « retour aux sources ». En effet, cette appropriation est très variable ou réalisable en fonction du sport. Par exemple, la variabilité est intrinsèque aux sports de nature qui avaient tendance à se standardiser. Maintenant la nature n’est plus modifiée au profit du sportif, mais c’est à celui-ci de s’adapter à son environnement, quitte à perdre un peu en performance sportive. De plus au XIXe siècle, le sport n’était pas encore universel et bien plus résilient. L’émergence du sport moderne n’est qu’une unification de centaines de sous-codes pratiqués dans chaque ville, ou école, de l’époque.

Un « retour en arrière » permettrait une meilleure adaptabilité locale des sports dans leur écosystème. Sont aussi changées, les règles du supportérisme liées à la mobilité et celles des sponsors désormais plus vertueux et engagés. Le sport en 2050 reste magique et continue de faire rêver la population… mais d’une manière différente.

Redéfinir les règles pour éviter d’enfreindre celle de la planète

Cet article présente l’une des nombreuses perspectives envisageables pour le football et le sport en 2050. Certains pourraient craindre que cette projection altère fondamentalement le sport tel que nous le connaissons. Cependant, si nous ne modifions pas les règles du jeu et son environnement, c’est le climat lui-même qui risque d’altérer la pratique du sport.

En effet, dans certaines régions, il deviendra impossible de pratiquer les sports actuels dans les conditions actuelles. L’Équipe a récemment proposé un jeu permettant aux joueurs d’incarner le rôle d’entraîneurs et de gestionnaires d’équipes de football, de cyclisme et de ski en 2050. Cette initiative offre un aperçu réaliste de ce à quoi pourraient ressembler ces sports¹⁰.

Nous sommes tous les deux passionnés du sport en le pratiquant et en le regardant, cependant remettre en question la pratique du sport nous permettrait de continuer à faire perdurer ses valeurs que sont le partage, l’entraide et les bons moments passés entre amis. Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les joueurs professionnels qui définissent les règles mais bien les supporters et licenciés qui peuvent changer le cours du match.

Sources

¹Jara-Figueroa, (s.d.),“What if we could look at the entire history of humanity at once?”

²The Shift Project “Décarbonnons les stades”, 2024

³L’équipe, 2023, « La pelouse du stade de la Mosson attaquée par un champignon »

⁴Lenaïg Corson, publication LinkedIn, https://www.linkedin.com/posts/lenaigcorson_bon-pote-face-au-r%C3%A9chauffement-climatique-activity-7183720587096150018-EPaC?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

⁵Ainhoa Leiceaga, publication LinkedIn, https://www.linkedin.com/posts/ainhoa-leiceaga-surf-athlete-haut-niveau-eco-engagement-etudiante_je-ne-participerai-pas-aux-%C3%A9preuves-nationales-activity-7171391675976564736-D7MX?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

⁶Portrait ADEME, « Sans planète viable, il n’y a pas de football », Avril 2022 https://infos.ademe.fr/magazine-avril-2022/portrait/sans-planete-viable-il-ny-a-pas-de-football/

⁷Mon Club De Football Eco-responsible – Le guide Pratique, Fondaction du football, FFF, ADEME

⁸Guide des éco-gestes du club de football, Fondaction du football

⁹Exemples d’actions et d’outils sport et développement durable, Fiche retour d’expérience – Institut régional de développement du sport, Ile de France

¹⁰Le sport en 2050 – Le jeu dont vous êtes le héros – L’Equipe explore (lequipe.fr)

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