Article de Céline Freva (RSEDD 2023-24)

Introduction

Ah le chat ! 13 millions d’individu en France en 2017 et 500 millions à l’échelle de la planète (1). Comment cet animal, quelque peu ingrat, a réussi à s’immiscer dans nos foyers en réussissant à faire oublier son impact environnemental ?

Il paraitrait que les ronronnements de chats auraient des effets bénéfiques pour notre santé. Plus besoin d’antistress car les vibrations de nos chers matous agiraient comme un anxiolytique ! Selon Claude Pacheteau, la ronronthérapie permettrait de libérer notre hormone du bonheur, la sérotonine (4). On dormirait donc mieux et nous serions moins déprimés à leur contact. Les chats sont également utilisés en médiation animal pour stimuler les personnes âgées, malades ou handicapées.

Jusque-là, le tableau est plutôt idéal dans une société de sur-stimulation permanente, le chat semble être LA solution non médicale à notre stress. Oui, vous qui me lisez êtes certainement concerné.e par cette question du stress quand on sait que 95% des Français sont stressés ou anxieux selon l’étude réalisée par l’IFOP en 2022 (5).

Au regard de toutes ces vertus pour notre santé, j’ai voulu m’interroger sur l’impact que celui-ci pouvait avoir sur notre environnement et notre biodiversité. Est-ce qu’un animal si mignon et relativement petit peut avoir un impact général aussi important ?

Une reproduction incontrôlable.

Pour commencer mon étude, j’ai souhaité m’interroger sur la fertilité des chats. Combien de temps un chat vit-il ? Combien de chatons peut avoir une chatte et surtout quelle pourrait être sa descendance hypothétique si elle n’est pas stérilisée ?

Pour essayer d’y voir plus clair partons des hypothèses de base suivantes :

Hypothèses

Fourchette basse : durée de vie de la chatte 12 ans

Fourchette basse : nombre de chaton par portée 4

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Fourchette haute : durée de vie de la chatte 16 ans

Fourchette haute : nombre de chaton par portée 8

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La première année une chatte n’a que 2 portées puis 4 par an.
La fertilité ne varie pas jusqu’à ses 12 ans*
50%
des chatons sont des femelles.
Nombre de chatons par portée : entre 4 et 8

* La fertilité diminue et fluctue de manière assez aléatoire à partir de 9 ans. Pour simplifier le calcul, l’hypothèse la « pire » sera retenue pour établir le calcul.

Au regard de ces données et par un calcul simple on peut facilement émettre l’hypothèse selon laquelle une chatte non stérilisée au cours de sa vie peut avoir entre 184 et 560 chatons ! Alors si on part de l’hypothèse que 50% de ces chatons sont des femelles, à la fin de sa vie (12 ans), cette chatte sera à l’origine de 2 096 397 320 chatons ! Rien que ça.

Figure 1 : Evolution de la descendance d’une chatte non stérilisée sur sa durée de vie.
Figure 1 : Évolution de la descendance d’une chatte non stérilisée sur sa durée de vie.

Quand les chats ne sont pas là, les souris dansent ?

Domestiqué selon les sources il y a environ 10 000 ans (2), le chat que nous connaissons aujourd’hui dans nos foyers aurait gardé quasiment le même patrimoine génétique que leur ancêtre le chat d’Afrique. Ce chat est resté un prédateur carnivore.

Il mange toujours par petite prise pour rester léger et pouvoir chasser et peut manger jusqu’à 20 fois par jour (6). Il n’est néanmoins pas un fin gourmet puisque le chat disposerait seulement de 500 papilles gustatives contre 9 000 pour l’homme (6).

Cela fait de lui un prédateur féroce qui attaque sans distinction. L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) l’a d’ailleurs classé parmi les espèces les plus agressives et nuisibles (6). Un chat peut, sans discrimination, manger des rongeurs, des oiseaux, des reptiles, des insectes…bref ce qu’il trouve dans son environnement sera convenable pour le nourrir. C’est d’ailleurs grâce à cette grande capacité d’adaptation que le chat se retrouve aux quatre coins de la terre. (7)

(7)

Chat et biodiversité

Selon une étude de 2013 publiée dans la revue scientifique Nature (3)(9), les chats tueraient aux États-Unis environ 117 oiseaux par seconde (soit entre 1,3 et 4 milliards d’oiseaux par an). La Ligue de protection des oiseaux (LPO) estimerait que les chats domestiques seraient à l’origine de 75 millions d’oiseaux tués par an en France (soit 5 à 10 oiseaux par chat domestique) (8).

Un chat errant fait donc davantage de dégâts. En France, One Voice estime qu’en 2016 le nombre de chats errants serait équivalent au nombre de chats domestiques soit 11 millions au moment de l’étude (10).  Si 11 millions de chats mangent 20 fois par jour, cela amène au résultat effrayant de 146 milliards de proies tuées en France par an par les chats sauvages.Chats

(7)

Cependant, son appétit non difficile a fait de lui un compagnon de lutte contre certaines espèces. Pendant des années, le chat a été utilisé sur les bateaux pour lutter contre les rongeurs et protéger les denrées (2). De même, il a été utilisé dans les villes pour dératiser. Adrien Loir, neveu par alliance de Pasteur (11) relate par exemple l’action des chats dans la ville et le port du Havre.

De nos jours, les chats restent de bons alliés pour lutter contre les risques sanitaires liés aux rongeurs. En effet, les rats peuvent être porteurs de la tuberculose ou de la salmonellose et plus communément de la leptospirose par exemple. Néanmoins, tout est une question d’équilibre entre proie et prédateur.

Tout déséquilibre dans la chaine trophique peut aboutir à une destruction/disparition d’espèce créant une boucle de rétroaction positive néfaste à l’écosystème tout entier. Nous pouvons évoquer le cas de la Nouvelle Zélande , où le chat sauvage, présent en trop grande quantité, menace la population de volatiles et plus spécifiquement le Kiwi. (16) La même problématique existe en Australie (17) avec comme projet très sérieux de faire des campagnes d’extermination.

Les impacts du chat domestique sur l’environnement

Quand on décide d’accueillir un chat à la maison, on s’engage à le nourrir, à le protéger et à l’aimer. Et plus concrètement cela se matérialise par l’achat de nourriture, de litière, de rendez-vous chez le vétérinaire au moins une fois par an pour le faire vacciner, de jouets… Mais alors qu’en est-il de l’impact sur l’environnement de nos chers compagnons domestiques à 4 pattes ?

L’impact de la litière

Pour répondre à cette question je me suis appuyée sur la thèse de Guillaume Husson (2018) sur [les] « pratiques des propriétaires de chat en matière de litière et impacts environnementaux »(14). D’après l’étude menée dans cette thèse, la litière la plus utilisée est la litière argileuse, suivi de celle à cristaux et pour finir la litière végétale. Regardons de plus près l’impact par type de litière. Autre élément d’impact concernant les litières : le transport.

En effet, selon le type de litière l’impact du transport n’est pas à négliger. Dans le cas des litières destinés aux chats domestiques européens,  l’impact carbone de la litière représenterait 25% de l’impact en CO2 eq pour les litières argileuses dont la matière première est en provenance d’Amérique du Nord. Il faut donc rajouter environ 100g de CO2 eq. par Kg de litière. L’impact du transport sur les litières à cristaux est négligeable compte tenu de l’impact de la production pour cette matière provenant de Chine.

On voit aisément grâce au premier tableau que la litière à cristaux génère à elle seule 56 fois plus de CO2 que sa concurrente végétale.

Mais ne regarder que l’impact vis-à-vis du nombre de kilogramme c’est oublier de prendre en compte l’efficacité et la quantité réelle nécessaire. Le rapport a donc été porté en gramme par jour et par chat.

Grâce à cette  perspective on voit que le rapport n’est plus le même puisque les litières argileuse et végétale doivent être remplacées plus souvent – la litière à cristaux a néanmoins une empreinte carbone à l’usage 58 fois plus élevée que celle de la litière végétale.

Mais la litière a-t-elle que des impacts en termes de CO2 eq. ?

Évidemment la réponse est non. La silice par exemple, produit très utilisé dans les litières à cristaux a également un impact sur la santé. Cancer-environnement (19) classe la poussière de silice comme cancérigène car celle-ci provoquerait des dégâts respiratoires irréversibles sur l’Homme.

Qu’en est-il du chat lui-même ? Cette question n’a semble-t-il pas été étudiée. Dans les faits, il faudrait donc mettre un masque lorsque l’on change les litières, peu importe qu’elle soit à base de silice ou d’argile car une litière de mauvaise qualité émet de la poussière nocive à notre système respiratoire, mais il faudrait également refuser que la litière soit jetée sans être contenue dans un sac hermétique sans quoi on fait porter le risque au ripeur d’inhaler ces poussières lors de l’évacuation de nos déchets, qui serait de l’ordre de 88kg environ par an de litière par chat.

Mais nettoyer la litière de notre chat nous expose également à des maladies comme la toxoplasmose ou la cryptosporidiose, entre autres. Conclusion, l’impact dit environnemental de la litière ne devrait pas s’arrêter qu’à la litière elle-même et à son transport mais être réévaluée au regard des mesures d’hygiène associées et des produits nettoyants utilisés dans ce cadre.

L’impact de l’alimentation

Une étude publiée dans la revue Scientific Report (15) menée par des chercheurs Brésiliens ont mis en lumière l’impact environnementale de l’alimentation de nos compagnons à 4 pattes.

D’après l’étude le composant principal est la protéine et le second le gras.

L’alimentation est divisée en deux catégories, celle dite humide comme les pâtées et celle dite sèche comme les croquettes. Pour simplifier le constat, on partira du postulat qu’un chat ne mange que l’un des deux types d’alimentation soit humide soit sec.

L’alimentation sèche serait moins émettrice

Selon le résultat de l’étude précitée, les aliments dits humides seraient largement plus impactant pour l’environnement que les aliments dits secs. L’ordre de grandeur serait de 8 fois plus. En effet, sur une base de 1000 calories d’alimentation sèche (sur la base d’un chien de 10kg) l’impact en CO2 eq. par an serait de de 828kg vs 6541kg avec de l’alimentation humide. Rapporté à un chat domestique de 4 à 5kg, et partant du principe qu’il ait le même régime que le chien, l’impact CO2 eq. Serait donc de 414kg pour l’alimentation sèche et 3270,5kg pour l’humide.

L’étude, des scientifiques Vivian Pedrinelli, Fabio A. Teixeira, Mariana R. Queiros et Marcio A. Brunetto publiée sur le site nature.com, s’est intéressée à la nature des régimes constatés pour des populations de chiens et de chats.

Boxplots de la distribution des pourcentages de protéines brutes, de matières grasses brutes et de la quantité d'énergie métabolisable d'origine animale ou végétale pour chaque type de régime.
Boxplots de la distribution des pourcentages de protéines brutes, de matières grasses brutes et de la quantité d’énergie métabolisable d’origine animale ou végétale pour chaque type de régime.

Légende :

  • CC = Alimentation ménagère
  • Cs = Alimentation ménagère achetée sur internet
  • S = Alimentation sèche
  • U =Alimentation humide

Que ce soit en humide ou en sec, on constate assez aisément que la part de protéine est plus important dans l’alimentation du chat vs l’alimentation du chien. L’empreinte carbone de la nourriture de chat aurait donc en réalité probablement un impact plus fort et les résultats calculés peuvent sous-estimer l’impact.

Sous-produit animal ?

Un argument souvent entendu est qu’il ne faudrait pas prendre en compte la part de CO2 liée aux protéines animales car ce sont des produits non consommables par l’homme. Et bien contre toute attente ce point se révèle largement tendancieux. Selon une étude menée par l’association Brésilienne d’équarrissage(15), approximativement 38% d’un bœuf, 20% d’un porc et 19% d’un poulet sont des viscères ou du sang non consommable par l’homme et seulement 12,8% de ces sous-produits sont utilisés dans l’alimentation animale au Brésil. Le reste est utilisé pour la production animale, le biodiesel, l’hygiène, la santé via la production de certains médicaments et le nettoyage, entre autres.

Il n’existe aucune information sur la quantité de ces sous-produits qui est transformée en farines et en graisses et sur la quantité qui est utilisée à l’état frais. Une chose est sûre, le facteur d’émission de la viande doit être revu pour attribuer le bon rapport aux types d’usages réalisés avec la matière animale ou revu en fonction de sa valeur monétaire. Quoi qu’il arrive on ne peut pas simplement l’annuler sur le simple argument qu’il n’est pas consommable par l’homme quand il représente plus de 20% de l’animal abattu.

L’impact de tout le reste ?

Au regard des données précédentes, on se rend assez vite compte que l’impact d’une visite chez le vétérinaire, même effectuée en voiture, ou l’achat de quelques jouets bien souvent amortis sur plusieurs années, n’est pas du tout sur le même ordre de grandeur. Il faudrait rajouter 4 kg de CO2 au total pour un aller-retour chez un vétérinaire se situant à 9km de votre domicile par exemple. Je fais donc le choix de ne pas développer ces postes d’impact pour rester sur ceux qui me semblent être les principaux.

Résultat : Impact en CO2 eq. d’un chat par an

Hypothèse de base

  • chat de 5 kg,
  • nourri en mixte (humide et sec)
  • utilisant de la litière minérale non agglomérante

Soit 1860,72 kg de CO2 eq. /an
Pour les seuls postes alimentaires et litière

Détails du calcul :

=414/2 (Alimentation sèche à 50%) + 3270,5/2(Alimentation humide à 50%) + [(0,042*365(Litière minérale non agglomérante)) +25%(transport)]

Avec ces hypothèses, l’empreinte carbone de notre chat se rapproche de 1,9 t CO2 par an. A titre de comparaison, 1,86 tonnes cela équivaut à (13) :

Alors ce chat, toujours aussi sympathique ?

Vous l’aurez compris ces petites bêtes si mignonnes et qui nous font bien souvent rire sur les réseaux sociaux ne sont pas si inoffensives pour notre environnement, que ce soit pour le climat ou pour la biodiversité. La gestion des chats errants semble être l’une des priorités qui devraient être à l’agenda des collectivités et de l’État. Il parait donc légitime de se poser la question d’un cadre réglementaire autour de la gestion des populations félines. Malgré tout, le chat rend de multiples services : sanitaires (lutte contre les maladies), sociales (sociabilisation/lien social), psychosociales (bien être psychologique). A l’heure de la sobriété à tous les niveaux, n’est-il pas temps de réinterroger notre besoin de posséder ? Faut-il absolument disposer de tout à titre individuel ou serait-il envisageable de faire rimer animaux de compagnie avec propriété commune ?

Sources :

(1) Comment le chat est devenu l’animal de compagnie numéro un – Geo.fr

(2) Depuis quand le chat est-il domestiqué ? Petite histoire du chat (lemonde.fr)

(3) Le chat domestique, une menace pour la biodiversité (radiofrance.fr)

(4) Les pouvoirs secrets du ronronnement du chat sur l’homme – SantéVet (santevet.com)

(5) communique-presse-mesbienfaits.pdf (ifop.com)

(6) Le chat, ce tueur si mignon | Documentaire ARTE

(7) Prédation du chat domestique et impact sur la faune sauvage: état des lieux des connaissances et illustration par analyse statistique des proies admises en centre de sauvegarde (cnrs.fr)

(8) Les chats sont-ils “pour partie” responsables du déclin des populations d’oiseaux ? (francetvinfo.fr)

(9) The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States | Nature Communications

(10) rapport_errance.pdf (rootdom.net)

(11) Mise en page 1 (hal.science)

(13) Comparateur carbone | Impact CO2

(14) 2018lyon130.pdf

(15) Environmental impact of diets for dogs and cats | Scientific Reports (nature.com)

(16) Nouvelle-Zélande : toujours plus de chats et de moins en moins d’oiseaux (lepoint.fr)

(17) Les chats : un problème pour la biodiversité autant que pour le réchauffement climatique | DEFI-Écologique : le blog (defi-ecologique.com)

(18) Flockeo

(19) Silice et effets sur la santé • Cancer Environnement (cancer-environnement.fr)

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