Article de Gwendoline Maman (RSEDD 2022-23)

INTRODUCTION : L’EMPREINTE CARBONE DU SECTEUR SPORTIF

L’empreinte carbone du secteur sportif est estimée à moins de 1% de l’empreinte carbone française. Celle-ci est très majoritairement (80%) due aux transports des sportifs (amateurs ou compétiteurs) puis à l’utilisation des infrastructures sportives.

 

Étude réalisée pour une journée de ski à La Clusaz, le Grand Bornand et Tignes par les agences Utopies et AirCoop
Étude réalisée pour une journée de ski à La Clusaz, le Grand Bornand et Tignes par les agences Utopies et AirCoop

 

Même si la contribution en termes d’émission de gaz à effet de serre est plus faible que pour d’autres secteurs, le sport est quant à lui également fortement impacté par le réchauffement climatique (augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, et pics de pollution qui les accompagnent souvent, augmentation de la fréquence d’évènements météorologiques extrêmes, impact des sécheresses sur les terrains engazonnés…) et a donc tout intérêt à devenir le premier défenseur du climat pour sa propre survie.

Il a de plus, de par les valeurs de respect, de courage, de persévérance, d’esprit d’équipe, et d’inclusion, qu’il porte, et de par sa visibilité médiatique et son pouvoir d’influence, un rôle et une responsabilité à jouer dans la transition écologique.

 

OU EN EST DONC LE MONDE DU SPORT DANS LA PRISE EN COMPTE DE CETTE DOUBLE MATÉRIALITÉ ?

Au niveau institutionnel, un certain nombre d’outils sont déjà en place.

L’ONU a lancé en 2018 lors de la COP 24 l’initiative « Sports for Climate Action » qui a pour objectifs de limiter la hausse des températures à 1,5°C en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et d’utiliser le sport pour sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques. Ces objectifs s’articulent autour de 5 principes : promouvoir une plus grande responsabilité environnementale, réduire l’impact climatique du sport, éduquer pour l’action climatique, promouvoir une consommation durable et responsable, et communiquer en faveur de l’action climatique. (Plus spécifiquement sur le football, l’ONU a aussi lancé en juillet 2022 l’initiative « Football for the goals » qui vise à encourager le monde du football à utiliser sa visibilité et son influence afin de mieux faire connaître les objectifs de développement durable par le biais de la sensibilisation.)

Ces principes se retrouvent également dans la charte des 15 engagements écoresponsables publiée pour la 1ère fois en 2017 par le ministère des sports et WWF France et améliorée dans une deuxième version en décembre 2021. Cette charte, basée sur le volontariat, s’adresse aux clubs, aux fédérations sportives, ainsi qu’aux organisateurs de manifestations sportives et aux sites sportifs.

La version de décembre 2021 vient enrichir la 1ère version en intégrant 3 nouveaux engagements, sur l’empreinte numérique, le sponsoring, et l’éducation au développement durable et vient adosser des critères d’évaluation à chaque engagement avec une obligation d’évaluation et l’obligation pour chaque signataire de publier un rapport tous les 2 ans sur l’évolution de ses engagements.

Comme le montre la représentation graphique ci-dessous, les engagements de cette charte s’articulent autour de 4 axes pour : limiter et mesurer l’impact environnemental, agir pour une économie plus responsable, lutter contre les discriminations, informer, sensibiliser et former

Cette charte, qui comptait déjà 350 signataires dans sa première version, a vu la signature dès décembre 2021 de 41 organisateurs sportifs tels que Amaury Sport Organisation qui organise par exemple le tour de France et le marathon de Paris, la Fédération Française de Football, la Fédération Française de Tennis, France 2023 qui organise la prochaine coupe du monde de rugby, ou encore bien sûr Paris 2024 pour les Jeux Olympiques.

 

 

Nouvelle version de la charte des 15 engagements écoresponsables développée par le ministère des sports en collaboration avec WWF
Nouvelle version de la charte des 15 engagements écoresponsables développée par le ministère des sports en collaboration avec WWF

LES LABELS ET OUTILS SPÉCIALISÉS

Des labels sectoriels ont également commencé à émerger, tels que le label « Développement durable, le sport s’engage ® » lancé dès 2009 par le CNOSF (Comité National Olympique du Sport Français) et que celui-ci a fait évoluer à l’occasion de son 10ème anniversaire et suite au lancement de sa plateforme dédiée à la responsabilité sociétale des organisations.

Ce label, qui compte plus de 500 évènements labellisés depuis son lancement, compte 3 niveaux de labellisation, est accessible à tous les organisateurs d’événements du mouvement sportif (du plus petit au plus grand) et leur permet de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue écoresponsable en bénéficiant d’outils dédiés à la Responsabilité Sociétale des Organisations sportives (RSO) et, si besoin, de l’accompagnement des Comité régionaux, départementaux ou territoriaux du sport français.

On assiste de plus à l’émergence de nouveaux labels privés tels que le label Fairplay for Planet lancé en 2020 par un ancien joueur international de rugby qui s’articule autour des 3 grands domaines que sont l’environnement, l’éco-performance, et le rôle sociétal et qui offre également 3 niveaux de labellisation.

Des outils plus ciblés sont enfin progressivement développés pour et par le monde sportif tels que :

  • « mon match carbone » qui est un outil récemment développé par Game earth, inspiré de l’outil « nos gestes climat » développé par l’ADEME, permettant aux pratiquants amateurs de calculer l’impact carbone de leur pratique sportive.
  • Optimouv qui est une solution innovante développée par le ministère des sports pour réduire les gaz à effets de serre générés à l’occasion des déplacements du mouvement sportif. Elle combine géolocalisation d’équipes, de personnes et de lieux, organisation des poules et calcul d’itinéraires pour optimiser le nombre de kilomètres parcourus lors des pratiques sportives ou dans le cadre du fonctionnement du mouvement sportif.
  • Le gouvernement a récemment décliné son plan de sobriété énergétique dans le secteur du sport en proposant 40 mesures pour aider tous les acteurs du sport en France qui souhaitent prendre activement part à cette démarche de sobriété énergétique structurante pour l’avenir de la pratique sportive.
  • Des fresques écologiques appliquées au sport ont été développées, telles que la fresque écologique du football développée par l’association football écologie France ou plus récemment la fresque écologique du tennis déployée cette année auprès du public de Rolland Garros et des Rolex Paris masters.
  • France 2023 promet de son côté de mettre à disposition une plateforme digitale de mobilité verte qui concentrera toutes les solutions éco-responsables (co-voiturage, taxis verts, scooters et bus électriques, etc.) afin de faciliter le déplacement des supporters.

Enfin, on peut aussi noter la récente initiative de la MAIF qui s’est associée à Match For Green pour éditer le guide Sport Planète pour les pratiquants et les fans de sport, un outil gratuit et interactif recensant, entre autres, les bons gestes à adopter.

 

La fresque écologique du football développée par l’association football écologie France.
La fresque écologique du football développée par l’association football écologie France.

 

Comme on l’a vu, les institutions sportives et les organisateurs d’évènements sportifs sont donc déjà en marche, en se dotant progressivement de nombreux outils, pour « faire leur part » dans la transition écologique, et l’organisation d’évènements tels que Paris 2024 et France 2023, qui font de l’excellence environnementale un axe clé de leur organisation, fait naitre une nouvelle génération d’évènements sportifs.

Mais ce sont désormais les sportifs eux-mêmes et depuis peu les équipementiers sportifs qui s’emparent maintenant du sujet.

 

LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU ET LES ÉQUIPEMENTIERS S’EMPARENT DU SUJET

En effet, sur le plan médiatique, de plus en plus de sportifs ont décidé d’utiliser leur influence pour alerter les français sur les enjeux environnementaux.  Plusieurs d’entre eux, pratiquant à haut niveau comme Nikola Karabatic (handball), Delphine Cascarino (football), Mathieu Bastareaud (rugby) ou encore Wendie Renard (football), se sont par exemple engagés en septembre 2020 aux côtés de WWF pour alerter sur la dégradation de la biodiversité en signant le manifeste #PasLeDernier dans le cadre de la campagne du même nom.

Plus récemment, une centaine de skieurs internationaux de différentes disciplines (ski alpin, freeride, freestyle..), dont la skieuse alpine star américaine Mikaela Shiffrin, ont quant à eux demandé par une lettre remise de façon symbolique à la fédération international du ski (FIS) à Courchevel quelques heures après la descente homme des championnats du monde, d’intensifier ses efforts en faveur de l’environnement.

Du côté du monde du trail, Xavier Thevenard, triple vainqueur de l’UTMB a parcouru, en octobre 2022, 250km en course à pied autour de l’île de France en empruntant des « corridors verts » pour sensibiliser la jeune génération et alerter sur l’urgence de préserver notre environnement en changeant nos modes de vie.

Andy Symonds, traileur anglais de niveau international, a lui refusé de participer aux championnats du monde de trail organisés en Thaïlande début novembre 2022 pour limiter son empreinte carbone déjà trop lourde. Innes Fitzgerald, 16 ans, jeune prodige du demi-fond britannique, après avoir déjà décliné l’an dernier l’euro des moins de 18 ans à Jérusalem, alors qu’elle venait de battre le record national du 3000m de sa classe d’âge, a demandé en février à sa fédération de ne pas la sélectionner pour les championnats du monde de cross qui se dérouleront en Australie, en raison de l’empreinte carbone du vol que causerait son déplacement.

Au-delà des exemples de prise de position qui se multiplient chez les sportifs de haut niveau, ce sont aussi les équipementiers sportifs qui initient leur transition.

On peut par exemple citer le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard qui a déclaré en septembre 2022 « la terre est maintenant notre seul actionnaire » après avoir transféré 100% des parts de Patagonia, valorisé à environ 3 milliards de dollars, à un trust chargé de respecter les valeurs écologiques de la marque, ainsi qu’à plusieurs associations de protection de l’environnement à qui seront désormais reversés les profits.

Certaines marques se lancent également dans la conception d’articles de sport éco-responsables et circulaires, telle la marque NOLT (contraction de « nothing is lost »), premier équipementier de sport 100% circulaire, créé à l’automne 2020, ou encore la marque Circle qui propose des produits de matières recyclées et recyclables, et qui vient de lancer la première chaussure de running développée et assemblée en Europe à base 100% à base de matériaux naturels.

Enfin, si les récentes controverses environnementales se sont multipliées ces derniers mois dans le monde du sport (voyage en jet privé de Paris à Nantes pour le PSG, coupe du monde du Qatar, nomination de l’Arabie saoudite pour l’organisation des jeux d’Asie d’hiver, ou encore plus récemment le transport de neige en camion pour la coupe du monde de biathlon au Grand-Bornand…), c’est bien parce qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir mais c’est aussi et c’est tant mieux parce que ces faux pas sont de plus en plus médiatisés et suscitent de plus en plus l’indignation. 

 

LA TRANSFORMATION DU SPORT EST DONC EN MARCHE. CELLE-CI EST-ELLE SUFFISANTE ? ASSEZ RAPIDE ?

Si les initiatives évoquées ci-dessus vont certainement dans le bon sens, il faut sans doute aller plus loin pour accélérer l’émergence d’un nouveau paradigme :

  • Diminuer l’impact écologique des grands évènements sportifs est primordial mais une réflexion pour en limiter le nombre est également essentiel. En effet, le sport professionnel parce qu’il finance en partie le sport amateur mais également par son pouvoir d’influence qui peut être utilisé bénéfiquement dans la transition écologique doit perdurer mais son modèle doit encore évoluer.
  • Il reste également beaucoup de chemin à parcourir du côté du sport amateur, de ses 40 millions de pratiquants et 16 millions de licenciés en France pour promouvoir et rendre désirable une pratique du sport « locale et de saison ».
Manifeste #PasLeDernier signé par une dizaine d’artistes et de sportifs français
Manifeste #PasLeDernier signé par une dizaine d’artistes et de sportifs français

 

Bibliographie

https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/dereglement-climatique-sport

https://www.montagnevertemorzine.com/wp-content/uploads/guide_sectoriel_montagne_15032022.pdf

https://unfccc.int/climate-action/sectoral-engagement/sports-for-climate-action

https://www.sports.gouv.fr/agir-59

https://ecolosport.fr/blog/2021/12/16/nouvelle-charte-des-15-engagements-eco-responsables-a-horizon-2024/

https://label-dd.franceolympique.com

https://www.fairplayforplanet.org/obtenir-le-label

https://rso.franceolympique.com

https://www.monmatchcarbone.fr

https://www.optimouv.net

https://www.dailymotion.com/video/x3hm8ov

https://satellites.maif.fr/maif/guide-pratiquants-SP

https://www.wwf.fr/pas-le-dernier

https://www.paris2024.org/fr/heritage-ambition-environnementale/

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/ski-shiffrin-et-d-autres-skieurs-demandent-a-la-fis-plus-d-efforts-environnementaux_169396

https://www.outside.fr/lathlete-andy-symonds-renonce-aux-championnats-du-monde-de-trail-mon-empreinte-carbone-est-deja-trop-lourde-cette-annee/

https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Innes-fitzgerald-la-prodige-ecolo-qui-fait-une-croix-sur-les-mondiaux/1378231

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