Article de Claire Brégeon (IGE 2022/23)
INTRODUCTION
Des marathoniennes, le corps meurtris par la fatigue, évacuées en fauteuil roulant. D’autres s’aspergeant d’eau tout au long de l’épreuve afin de résister plus longtemps en espérant arriver au bout. Bilan de cette course ? 28 abandons : du jamais-vu lors d’un championnat du monde…
Voilà le résultat accablant de l’épreuve féminine de marathon lors des championnats du monde de 2019 à Doha. Ce résultat était pourtant prévisible : les athlètes ont dû courir sous 32°C avec 73% d’humidité (ressenti 40°C). Or, l’activité physique intense en extérieur est déconseillée à partir de 32°C. Les épisodes de chaleur étant amenés à se multiplier et à s’intensifier au cours des années à venir sous l’effet du réchauffement climatique, il est évident que nos pratiques sportives actuelles en seront impactées et devront s’adapter.
UN NOUVEAU PAYSAGE SPORTIF
L’environnement est un facteur décisif pour toute pratique sportive. Or, le dérèglement climatique a déjà commencé à modifier cet environnement dont dépendent directement de nombreux sports. Une augmentation de + 2°C, par rapport à l’ère préindustrielle, aurait pour conséquence la réduction de l’espace disponible dédié aux activités physiques.
Une des conséquences directes parmi les plus évidentes de ce réchauffement climatique est la diminution du manteau neigeux. En France, que ce soit dans les Alpes ou dans les Pyrénées, bien qu’elles ne soient pas impactées de la même manière, un réchauffement de +2°C entraînerait un raccourcissement de la durée d’enneigement annuelle d’un mois par degré de réchauffement futur selon WWF. L’épaisseur du manteau neigeux à plus de 1 500m d’altitude serait amenée à diminuer de – 30 % dans les Alpes. La chaîne des Pyrénées, quant à elle, verrait son nombre de stations bénéficiant d’un enneigement naturel suffisant réduit à seulement 3 stations : Fort Romeu – P2000, Ax Les Thermes et Luz Ardiden.
Le réchauffement climatique ne va pas avoir uniquement un impact sur nos activités physiques dépendant d’un ou de plusieurs éléments naturels : il aura également une incidence sur nos infrastructures sportives et leur gestion. La France est dotée d’environ 60 000 salles de pratique collective dont 50 % ont été construites avant 1987 (WWF France, 2021). Ces salles sont des passoires thermiques, totalement inadaptées aux fortes températures. Sans rénovation thermique efficace de ces équipements, la santé des usagers serait menacée et l’accessibilité à ces gymnases fortement réduite.
Une augmentation de la température moyenne de 2°C entraînera également des zones exclus de toute pratiques sportives intenses. C’est notamment ce qu’une étude américaine de l’Université de Berkeley révèle : d’ici la fin du siècle (hors Europe), seulement huit villes de l’hémisphère Nord pourraient avoir des conditions propices pour accueillir les Jeux Olympiques d’Eté. Si cette trajectoire se confirme, d’ici 2085, Paris ne sera plus en mesure d’accueillir les JO.
UNE MODIFICATION DES PRATIQUES SPORTIVES
En plus de dessiner un nouveau paysage sportif, une augmentation des températures de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle aurait pour conséquence une modification profonde des usages.
Un des premiers impacts se situe au niveau des entraînements, qu’ils soient professionnels ou amateurs. D’après le baromètre national des pratiques sportives, la France compte plus de 36 millions de pratiquants. Or, l’exercice physique est soumis à des conditions météorologiques favorables et notamment à des températures adéquates. Les scénarios du GIEC s’accordent à dire que la fréquence des canicules en France devrait doubler d’ici à 2050. Ce bouleversement va avoir une incidence significative sur la durée possible d’entraînement des sportifs. WWF estime que, pour un réchauffement de + 2°C, les athlètes perdront jusqu’à 24 jours supplémentaires d’entraînement.
En plus de la modification du rythme d’entraînement, ces fortes températures auront un impact sur la santé des athlètes, leur façon de s’exercer et leurs performances. Les pauses pour s’hydrater devront être bien plus fréquentes qu’auparavant. C’est ce qu’a déjà dû mettre en place la Ligue Nationale de Rugby en instaurant une pause hydratation à la 20e et à la 60e minutes lors des rencontres estivales. La hausse des températures engendre une augmentation du risque de coup de chaleur. Certains athlètes en ont déjà fait les frais lors de l’Open d’Australie en 2018. Si ceux-ci ne sont pas pris en charge rapidement, ils peuvent aboutir à de graves pertes de connaissance ou, dans le pire des cas, à un arrêt cardiaque. Il est alors évident, comme le pointe WWF, que, dans ces conditions, leurs performances sportives sont amoindries.
Pour s’adapter à cette hausse des températures, il a également été nécessaire d’adapter le rythme du calendrier des rencontres sportives professionnelles. C’est ainsi que Doha (Qatar) est devenue, en 2019, la première ville à accueillir les Championnats du monde d’athlétisme en automne (mois d’octobre). Certaines épreuves sportives ont dû se dérouler de nuit, comme le marathon féminin, pour pouvoir avoir lieu à des températures acceptables. Malgré cela, la course a conduit à 28 abandons avec des sportives évacuées en ambulance. De la même manière, la Coupe du monde de football 2022 au Qatar s’est déroulée en hiver afin que les températures soient plus clémentes. Cela n’a pas empêché la compétition de se tenir dans des stades climatisés pour éviter un coup de chaud aux spectateurs. La hausse des températures engendrées par le réchauffement climatique n’a pas fini de perturber le calendrier sportif des événements…
ET SI LE RÉCHAUFFEMENT ATTEINT LES +4°C ?
On comprend bien qu’une élévation des températures de +2°C aura un impact significatif sur nos pratiques sportives. Mais qu’en est -il a +4°C ? Sera-t-il même possible de s’entrainer ? Oui, d’après le rapport de WWF. Cependant, leur réponse reste nuancée.
En effet, au-delà des + 4°C, les périodes d’entraînement deviendrait très rare et notamment l’été. Un monde à + 4°C, c’est un monde où les sportifs pourraient perdre jusqu’à 2 mois d’exercice. Cela ne sera pas sans conséquence sur l’organisation des pratiques individuelles, mais aussi celles organisées par les clubs ou les établissements scolaires.
A ces températures, certains usages sportifs deviendraient totalement impossibles. C’est le cas du ski dans les Pyrénées. En effet, comme l’explique le rapport de WWF, à un réchauffement de + 4°C, il n’y a aucune station des Pyrénées qui bénéficient d’un enneigement naturel suffisant pour assurer une continuité de la pratique. A moins d’importer de la neige artificielle, ce qui reviendrait à contribuer encore plus au réchauffement de notre atmosphère, le ski disparaîtra de ce paysage montagneux.
Ajouté à l’impossibilité de pratiquer certaines activités sportives, d’autres sont fortement menacées. C’est le cas des clubs de voile. On estime qu’avec un réchauffement de + 4°C par rapport à l’ère préindustrielle, 131 clubs de voiles (sur 576 existants) seraient menacés de disparition.
EN BREF
Comme le souligne Kévin Mayer (médaillé olympique de décathlon « Il est temps pour nous de relever un défi plus grand que ceux des records sportifs ». Pour cela, il est nécessaire que les différents acteurs sportifs deviennent des défenseurs du climat et de la biodiversité.
Les instances sportives, les fédérations ainsi que les comités d’organisation des grands événements sportifs (JO, championnat du monde…) doivent accompagner et soutenir la transition écologique du sport ainsi qu’inciter à un changement des comportements. Si certaines activités sportives favorisent le réchauffement climatique (course automobile, GP de moto…), d’autres, au contraire, participent à la naissance d’un monde bas-carbone (pratique quotidienne du vélo).
En somme, comme le souligne WWF, “pour préserver la pratique sportive, il faut préserver le climat”.
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Bibliographie
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