Article d’Émilie Le Gall (RSEDD 2021)

 

Suivez-vous un Youtubeur, un blogueur, ou encore un Instagrammeur ?
Si oui, vous avez certainement déjà été exposé à des partenariats commerciaux, parfois sans le savoir.
Qui vous ont conduit à acheter un produit recommandé par cet influenceur, peut-être sans en avoir conscience.

Le développement des réseaux sociaux et leur usage accru se sont accompagnés d’une inévitable et permanente exposition des consommateurs à une publicité sous une nouvelle forme. Le marketing d’influence est ainsi devenu l’un des canaux de communication privilégiés.

Selon l’étude « influencer marketing global survey consumers » par Rakuten[1], 8 acheteurs sur 10 auraient en 2019 réalisé un achat suite à la recommandation d’un influenceur. De quoi motiver les marques à actionner ce levier. L’industrie du marketing d’influence devrait d’ailleurs atteindre les 15 milliards de dollars d’ici 2022[2].

Cela signifie-t-il pour autant que ce canal de communication soit exempt de toutes règles ?

 

Identifier un partenariat commercial : une obligation de transparence vis-à-vis de la communauté de l’influenceur

La Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)[3] définit un influenceur comme « un individu (blogueur, vlogueur, instagrammeur, etc.) exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie ».
Lorsqu’une marque active un créateur de contenu, pour profiter de son e-réputation et vendre ainsi ses produits, ce dernier peut avoir l’obligation d’en informer son audience, en fonction de l’existence d’engagements réciproques entre la marque et l’influenceur ou pas.

Une marque peut, en effet, envoyer un cadeau à un influenceur, l’inviter à un événement, etc. sans pour autant qu’ils ne conviennent ensemble de créer un contenu à son propos. L’influenceur est alors libre d’en parler ou non et il n’y a pas de collaboration commerciale.
Mais dès lors qu’il va s’engager à créer un contenu en échange d’une contrepartie (paiement, cadeau, voyage, invitation, etc.), l’existence du partenariat est actée et il doit alors être révélé aux consommateurs conformément à la réglementation, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) [4].
Toute publicité doit en effet être explicitement identifiée comme telle sous peine de sanctions lourdes pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende [5].
C’était d’ailleurs notamment sur ce motif que l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara avait été condamnée il y a peu à payer 20 000 euros d’amende pour avoir fait de la publicité déguisée sur Snapchat en faveur d’un site boursier de bitcoin, suite à un signalement de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF)[6].
La Recommandation « Communication publicitaire digitale »[7] de l’ARPP rappelle que cette identification doit être explicite, et exprimée par des termes compréhensibles par tous de type « en partenariat », « collaboration », « sponsorisé par », ce qui n’est pas le cas de « ad » (« publicité » en anglais), « collab » ou encore de formulations nébuleuses comme « on m’a envoyé ce produit » ou encore « merci de m’avoir invitée à cet événement », etc.
Des fonctionnalités directement intégrées aux plateformes permettent à l’influenceur de simplifier l’explicitation du partenariat commercial, voire de l’alerter dans le cas où le post semblerait visiblement sponsorisé et que cette identification aurait été omise.

 

 

L’identification doit également être instantanée, c’est-à-dire immédiatement visible par les consommateurs, sans action nécessaire de leur part (pas de clic, d’interminable skroll, etc.).

L’identification permet ainsi de perpétuer la relation de confiance qui existe entre l’influenceur et sa communauté, cette dernière étant alors alertée du placement produit.

 

Collaboration commerciale ou contenu publicitaire : quelles différences ?

Au-delà de l’obligation d’identification, certaines collaborations peuvent être qualifiées de publicitaires de manière classique.

Comme le rappelle la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP, le caractère publicitaire sera alors établi lorsque les critères suivants seront réunis de manière cumulative :

  • Lorsque le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques ; la prise de parole de l’influenceur faisant l’objet d’un paiement ou de toute autre contrepartie telle que, par exemple, la remise de produits ou de services à son bénéfice ;
  • Lorsque l’annonceur ou ses représentants exercent un contrôle éditorial prépondérant (notamment en imposant un discours, un scénario…) et une validation du contenu avant sa publication ;
  • Lorsque le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise à la promotion du produit ou du service (discours promotionnel, présentation verbale ou visuelle à visée promotionnelle…).

Ces 3 critères remplis, le caractère publicitaire de la collaboration commerciale est établi et le contenu créé par l’influenceur entrera alors dans le champ de la publicité « classique », toutes les Recommandations de l’ARPP, textes comprenant les règles d’éthique sectorielles applicables à la communication publicitaire en France, ayant notamment vocation à s’appliquer, comme la Recommandation « Développement durable ».

 

Mais dans les faits, la révélation de l’intention commerciale est-elle effectivement réalisée par les influenceurs ?

L’ARPP vient de publier son deuxième Observatoire « Marketing d’influence » [8] dont l’objet d’étude a notamment été de vérifier cette bonne identification en détectant les partenariats déguisés grâce à des faisceaux d’indices tels que l’utilisation répétée du nom de la marque dans les posts ou encore de termes comme « jeu concours », « code promo », « merci à » associé au nom de la marque, etc.

L’étude a ainsi permis, grâce à l’intelligence artificielle, d’analyser 30 000 contenus en 3 mois selon la répartition suivante :

  • 18 625 sur Instagram ;
  • 6 375 contenus analysés sur Youtube ;
  • 5 000 sur Tik Tok.

26,57 % des contenus examinés ont alors été retenu comme des collaborations commerciales évidentes mais non identifiées comme telles.

Les influenceurs sont catégorisés/identifiés selon le nombre d’abonnés. Si on analyse de plus près ce résultat en prenant chaque catégorie d’influenceur (top tail : plus d’1 million d’abonnés, mid tail : entre 10 000 et 1 million d’abonnés et long tail : moins de 10 000 abonnés), on constate que la systématisation de l’identification diminue à mesure que l’audience de l’influenceur baisse : 43,07 % d’absence d’identification des contenus des influenceurs de la long tail, 32,41 % pour le mid tail contre « seulement » 12,55 % pour le top tail.

 

Et qu’en est-il pour les autres règles applicables à la publicité ? Notamment en matière d’Environnement ?

Selon l’étude ObSoCo avec Cofidis « Près de la moitié des Français (42%) déclarent vouloir « consommer mieux, plus éthique et plus responsable ». Ces aspirations sont avant tout partagées par les 18/25 ans (50%), les habitants des grandes agglomérations (41%) et les cadres intermédiaires (36%),»[9], en d’autres termes majoritairement par le public cible des créateurs de contenus à savoir ceux passant le plus de temps sur les réseaux sociaux.

En toute logique, les marques souhaitent répondre à cette demande, en accompagnant leurs clients et futurs clients dans cette transition. Toutefois, force est de constater, qu’elles vont parfois le faire avec un peu trop d’enthousiasme. La maladresse de leurs communications pourra alors les faire facilement basculer dans le « greenwashing ».

Pour rappel, le greenwashing (ou « écoblanchiment ») se définit comme « une stratégie de communication et de marketing adoptée par des entreprises ou autres organisations qui consiste à mettre en avant des arguments écologiques pour se forger auprès du public une image écoresponsable, alors que la réalité des faits ne correspond pas, ou insuffisamment, à la teneur explicite ou implicite des messages diffusés »[10].

Le dernier Observatoire « Marketing d’Influence » de l’ARPP a également permis d’analyser la conformité des posts identifiés, ou devant en principe être identifiés, comme sponsorisés au regard notamment des dispositions applicables au développement durable. L’hypothèse de base alors retenue étant qu’il s’agissait de publicités au sens « classique » du terme, et, de ce fait, soumises à toutes les règles applicables à la publicité.

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP[11] prévoit notamment que si un produit ou un service peuvent revendiquer des propriétés environnementales, à condition, bien entendu, que l’annonceur soit en mesure de le justifier, « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable » et « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles » et « être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

En d’autres termes, même si un produit ou service possède des propriétés environnementales indéniables, il n’en demeure pas moins qu’il a un impact sur l’environnement, plus ou moins important, au regard de l’ensemble de son cycle de vie, et qu’à ce titre, il ne permettra (malheureusement pas), de sauver la planète … !
Aucun produit et service ne devrait donc être qualifié d’« écologique », de « respectueux » ou « protecteur de la nature, des animaux, des océans… » bien que de tels « raccourcis » puissent parfois être constatés, et ce quel que soit le secteur d’activé.

 

 

 

De la même manière, cet impact ne peut pas être qualifié de positif et donner ainsi une impression d’innocuité sur l’environnement.

 

 

 

Sur le sujet de l’environnement, l’exigence du grand public est forte. Les consommateurs veulent pouvoir faire de véritables gestes citoyens pour aider à protéger la planète et donc ne pas être dupés sur la portée réelle de ce geste.

Un argumentaire excessif de la marque, et ce même par l’intermédiaire d’un créateur de contenu, mènerait, au contraire, à un désengagement des consommateurs ainsi qu’à un éventuel « bad buzz » nuisant à l’image de la marque, d’où l’importance pour la marque de privilégier une démarche authentique et durable avec l’influenceur, de veiller à une identification transparente de leur collaboration, et de l’inviter par exemple à se former aux règles[12]afin d’éviter ces déconvenues.

 

Le marketing d’influence : un outil efficace pour démocratiser la cause environnementale

Le choix de recourir à des « éco-influenceurs »

Deux choix s’offrent alors à une marque lorsqu’elle souhaite faire appel à un influenceur sur une thématique précise : activer un créateur de contenu de catégorie plus généraliste, par exemple, et de manière ponctuelle pour parler d’un produit, ou préférer un influenceur dont c’est la « marque de fabrique » avec une ligne éditoriale dédiée.

Face à l’urgence climatique, la préservation de l’environnement est devenue un sujet incontournable de société dont se sont saisis certains créateurs de contenus experts du sujet. Ils appartiennent plus à la « mid tail »[13] (entre 10 000 et 1M d’abonnés) et vont alors, tout en acceptant des partenariats, être plus sélectifs sur ces derniers compte tenu des valeurs qu’ils prônent comme le consommer moins et mieux. Des idées pourtant a priori difficilement conciliables avec le marketing d’influence dont le but reste d’inciter à l’achat. Pour les influenceurs l’idée ici ne serait donc pas de créer un besoin « inutile » mais bien de remplacer un achat par un autre plus responsable.

Ces influenceurs « éthiques » sont ainsi spécialisés dans leurs domaines (0 déchet, recyclage, DIY, mode, Made in France, véganisme, etc.) et leur expertise reconnue sur la durée du sujet leur permet de les défendre de manière crédible et transparente, un véritable atout pour les marques, au-delà du simple placement produit.
On peut par exemple citer @leacamilleri__ @coline ou encore @girl_go_green comme dignes ambassadrices de cette mouvance.

 



 

Ces créateurs vont alors valoriser des modes de consommation alternatifs tout en invitant leur audience à se questionner sur des sujets environnementaux sans pour autant les culpabiliser : faire des gestes pour l’environnement, non, ce n’est pas que des contraintes !

Des convictions qui réinventent le marketing d’influence.

La prise de parole des créateurs de contenus sur la cause environnementale modèle sans nul doute la pensée de leur audience, en les invitant, tout du moins, à la réflexion.

Lorsqu’EnjoyPhoenix (plus de 5 millions d’abonnés sur Instagram) demande en 2019 aux agences RP et marques de cosmétiques d’arrêter de lui envoyer plusieurs colis de produits gratuits par jour, écœurée par la profusion, le gâchis et la pollution que cela engendre, et en fait une vidéo explicative à destination de sa communauté de 35 minutes, cela fait incontestablement réfléchir sur le modèle même de l’influence.

 

https://www.youtube.com/watch?v=sk34Bvz_LP0 (à partir de la 14ème minute).

https://www.youtube.com/watch?v=sk34Bvz_LP0 (à partir de la 14ème minute).

Quand la CAMIF lance le hashtag #JeMeDeconnectePourLaPlanète pour dénoncer la journée du BLACK FRIDAY, symbole de la consommation déraisonnée à prix cassés, ferme son site le jour dit et s’associe pour l’occasion à une vingtaine d’influenceurs « éthiques » pour sensibiliser le public sur les impacts de ses achats, l’effet est là : plus de 70.000 engagements Instagram et 30.000 vues Youtube.

 

https://www.youtube.com/watch?v=pcknidu83IQ
https://www.youtube.com/watch?v=pcknidu83IQ

 

Les prises de parole des ambassadeurs et créateurs de contenu sur de grandes causes, comme la protection des océans, la sauvegarde de la biodiversité, le réchauffement climatique, etc., que cela soit au sein d’un partenariat ou non, contribuent à démocratiser l’éco-responsabilité et ainsi à encourager les consommateurs à modifier leurs habitudes de consommation.

 


 

Activer un influenceur sur la thématique environnementale peut donc s’avérer périlleux pour une marque si ce partenariat n’est pas sincère et transparent sous peine de s’exposer à une dégradation de sa réputation en cas de conflit entre le propos publicitaire et les vertus objectives des produits qu’elle met sur le marché.

« Bad buzz », « Greenwashing », etc. sont autant de risques d’image qui peuvent conduire les consommateurs de se désintéresser du produit voire à se désengager du sujet, pensant avoir été dupés.

Une des pistes efficaces pour mieux maîtriser ces risques liés à la Brand Safety, est le Certificat de l’Influence Responsable de l’ARPP, qui permet aux marques de nouer des partenariats avec créateurs de contenus formés aux règles déontologiques dont celles relatives au développement durable.

En effet, bien utilisé, le marketing d’influence n’en reste pas moins un formidable relais de la prise de conscience écologique et de modification des habitudes de consommation.

#urgenceclimatique #marketingdinfluence #ArticleRéaliséEnPartenariatAvecl’ARPP

 

 


Sources

[1] https://go.rakutenmarketing.com/hubfs/docs/2019%20Influencer%20Marketing%20Report%20-%20Rakuten%20Marketing.pdf

[2] Source de l’étude : Business Insider, 2019

[3] https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/communication-publicitaire-digitale/

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164/

[5] Article L121-15 du Code de la consommation. Le montant de l’amende pourra alors être porté, « de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits ».

[6] https://www.youtube.com/watch?v=Xgx0DmPIMLc

[7] https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/communication-publicitaire-digitale/

Infographie : https://www.youtube.com/watch?v=8Jx4gr5bvH0

[8] https://www.arpp.org/actualite/observatoire-influence-responsable-2021/

[9] https://lobsoco.com/wp-content/uploads/2020/05/CP_Cofidis-Vouloir-pouvoir-dachat.pdf

[10] https://youmatter.world/fr/definition/greenwashing-definition-cest-quoi-le-greenwashing/

[11] https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/developpement-durable/                                              Infographie : https://www.youtube.com/watch?v=MKyAfuHRhQU

[12] https://www.arpp.org/certificat-influence-responsable-inscriptions/

[13] Cf. Constatation tirée de l’Observatoire de l’Influence Responsable de l’ARPP

 

 

 

 

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