Article de Bertrand Beaucourt (MS EEDD parcours RSEDD 2025-26)

Introduction

Alors que le secteur des transports est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES) en France [1], le train apparait comme le moyen de transport le plus écologique et peut ainsi être considéré comme celui à développer dans le futur. Néanmoins, le train est perçu comme un moyen de transport onéreux [2] par la plupart des Français. Ainsi, quelles évolutions pourraient être mise en œuvre afin d’inciter les Français à accroître leurs déplacements en train tout en assurant la pérennité du réseau ferroviaire français ?

Le transport ferroviaire, mode de transport le plus écologique, bénéficie en France de différents types de financement afin d’assurer notamment l’entretien du réseau

Le train : le mode de transport le plus écologique en France

D’après l’ADEME, le train est le mode de transport le plus écologique en France en termes de quantité de CO2 émise par kilomètre parcouru[3]. A titre d’exemple, pour une distance de 1000 kilomètres, un passager émettra 2,93kg de CO2 pour un parcours en TGV et 8,98kg en Intercités, contre 218kg en voiture thermique et 259kg lors d’un vol court courrier. Ces données prennent en compte l’usage comme la construction. Le train est bien le mode de transport le moins émetteur de GES (malgré l’impact environnemental non négligeable que représentent la construction et l’entretien des infrastructures)[4]. Si des efforts restent à produire en particulier sur les trains non électrifiés[5],  voyager en train est donc plus vertueux du point de vue de l’impact carbone que voyager en voiture ou en avion.

Différents modes de financement du train en France

Deux grandes familles de trains se côtoient actuellement en France avec une différence de fonctionnement majeure[6] : les trains dits « conventionnés » et les trains opérant sous le régime du « Service Librement Organisé » (SLO) comme le TGV.

S’agissant des trains conventionnés, une autorité publique (les Régions pour le TER, l’État pour les Intercités de jour comme de nuit) organise le transport ferroviaire par la mise en place d’une convention avec un acteur chargé d’opérer sur le réseau conformément au cahier des charges établi en amont. Ce type de transport ferroviaire est subventionné à hauteur de 20% pour les Intercités et jusqu’à 80% pour le TER dans certaines régions. Ainsi, les péages ferroviaires pour ces trains conventionnés sont en majorité payés par l’autorité publique (les Régions dans le cadre du TER). A noter, ces subventions permettent d’assurer une mission de service public sur des lignes à faible fréquentation pour lesquelles aucun opérateur n’accepterait d’intervenir sans aide publique.

Dans le cas des trains en régime SLO[7], pas d’aide publique ni de subvention pour les billets des voyageurs : l’équation économique est dès lors intégralement supportée par l’opérateur qui le répercute sur le prix du billet de train. Aujourd’hui pour un trajet en TGV, on considère que 40%[8] du prix du billet correspond au paiement du prix du péage ferroviaire permettant de financer le réseau. Ce pourcentage s’avère parfois même supérieur : le poids des péages ferroviaires représente plus de la moitié des coûts pour la SNCF sur un trajet Paris-Barcelone selon Carbone 4 en raison du surcoût lié au tunnel du Perthus sous les Pyrénées (6€ par passager environ pour le simple passage du tunnel)[9].

Des modes de détermination et des niveaux des péages ferroviaires très hétérogènes en Europe

Le dispositif en vigueur en France n’est pas forcément celui appliqué par nos voisins européens. Une étude[10] du début des années 2000 mettait en lumière la diversité des modes de détermination et des niveaux de péages. A titre d’exemple, le péage par train-kilomètre variait de 0,4€ en Suède à 5,0€ en Grande-Bretagne, le niveau français étant de 3,6€ soit au même niveau que l’Allemagne mais supérieur au niveau Suisse (2,6€). Néanmoins, les relations financières entre les chemins de fer et les États doivent être pris en compte afin d’expliquer ces niveaux. Si le niveau de péage ferroviaire en Suisse est moins élevé qu’en France, 68M€ d’indemnités compensatoires ont été versées à la compagnie de chemins de fer suisse CFF et l’endettement de la compagnie presque entièrement pris en charge par l’État.

De la même manière, l’Allemagne a un niveau de péage similaire à celui de la France, mais la compagnie de chemins de fer allemande Deutsche Bahn a vu son endettement entièrement pris en charge par l’État et celui-ci prend également en charge le surcoût de charges de personnel lié au statut de fonctionnaire des employés de la compagnie. Ainsi, à niveau de péage plus ou moins similaire, ces compagnies de chemins de fer bénéficient d’une plus grande largesse financière qu’une société comme la SNCF. En France aujourd’hui, les péages ferroviaires s’élèvent à 9,50€[11] par kilomètre parcouru pour un Train à Grande Vitesse et font partie des plus élevés parmi les pays européens.

Un réseau ferroviaire vieillissant et des besoins de financement importants à moyen terme

Dans un le Président de la SNCF Jean-Pierre Farandou alertait en mai 2025 sur l’état vieillissant du réseau ferroviaire français[12]. En effet, si la moyenne d’âge des rails est de 30 ans, de nombreux tronçons dépassent les 70 ans, voire 100 ans. Certaines caténaires datent parfois de l’après-guerre. En conséquence, un risque majeur de panne et de ralentissement pèse sur le trafic ferroviaire. Dès 2028, près de 4000km de lignes risquent d’être concernés pouvant ainsi impacter plus de 2000 trains par jour.

Pour maintenir et moderniser le réseau, le Président de la SNCF explique qu’un effort d’investissement supplémentaire d’environ 1 milliard d’euros par an est nécessaire dès 2028. Cet effort supplémentaire viendrait s’ajouter aux 3,5 milliards d’euros d’investissement actuels financés par les péages ferroviaires payés par les opérateurs et par les bénéfices de la SNCF.

Les autres modes de transport bénéficient de certains avantages fiscaux et d’une tarification ne couvrant pas les coûts externes

Cela a notamment été confirmé par une étude menée en juillet 2025 par le Réseau Action CLIMAT, L’UFC Que Choisir et Greenpeace qui indique que le train coûte en moyenne deux fois et demi plus cher que l’avion pour voyager en Europe[13]. Néanmoins, le Train à Grand Vitesse ne bénéficie pas de certains avantages pourtant perçus par d’autres modes de transport.

Un déséquilibre fiscal est à relever entre le train et l’avion. En effet, en France, la TVA sur les billets de train est fixée à 10 %. Dans le même temps, le secteur aérien bénéficie, lui, de deux exonérations fiscales majeures :

  • Aucune taxe sur le kérosène alors même que l’électricité utilisée par les trains est bien taxée (Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité – TIFCE) tout comme le carburant utilisé par les particuliers pour alimenter leur voiture est également taxé ;
  • Une TVA à 0% sur les vols internationaux (10% sur les vols internes).

Pour un même trajet européen donc, le voyageur paye donc 0% de TVA en prenant l’avion mais 10% en prenant le train. prix de vente des billets :

Au-delà de la disparité tarifaire actuelle, ce graphique permet également d’illustrer qu’en l’absence d’exonération fiscale pour le secteur aérien, les coûts liés à un trajet en train devient similaire à celui d’un trajet aérien low cost et bien inférieur à celui d’un avion d’une compagnie régulière comme Air France.

Enfin, la tarification du secteur aérien comme du secteur routier génère des coûts externes, appelés externalités[15] :

  • Pour les autres usagers : usure de la route, congestion, accidents de la route ;
  • Pour la collectivité : pollution de l’air, émissions de gaz à effet de serre, bruit.

Selon la théorie économique, il serait optimal que l’usager de la route paie les coûts engendrés pour la collectivité par sa décision de circuler en voiture ou de voyager en avion. Dans le cadre du transport routier, en 2015, les prélèvements ne couvraient en moyenne qu’un tiers des externalités de la circulation. Cette situation concerne la grande majorité des véhicules et des milieux étudiés. Elle est particulièrement marquée en milieu urbain (où les coûts liés aux embouteillages et à la pollution de l’air sont plus importants) ainsi que sur les routes nationales.

Une meilleure prise en compte de ces externalités dans la tarification de la circulation routière, en particulier en milieu urbain très dense et sur les routes nationales, permettrait la prise en charge par les automobilistes eux-mêmes des coûts sociaux importants liés à la congestion et à la pollution. De la même manière, les coûts externes liés au trafic aérien pourraient être pris en compte dans la tarification et ainsi réduire la différence avec les trajets en train.

Plusieurs pistes existent pour assurer le financement du réseau ferroviaire et promouvoir le développement des trajets en train

Le 5 mai 2025, le Premier Ministre de l’époque François Bayrou avait lancé à Marseille la Conférence des mobilités “Ambition France Transport” pour réfléchir au financement des infrastructures, dans un contexte budgétaire tendu. L’objectif est de trouver des solutions durables pour moderniser et développer le réseau ferroviaire. A l’occasion de cette conférence, une nouvelle piste a été mise sur la table afin de financer l’entretien du réseau ferroviaire français : instaurer une taxe “provisoire” d’un euro par billet[16]. Cette mesure enverrait toutefois un message contradictoire à l’heure de la transition écologique et contribuerait à renforcer l’image onéreuse du train au sein de la population.

Cependant, d’autres mesures existent afin de financer l’effort d’investissement supplémentaire et rendre le train plus attractif. La première est une réforme fiscale d’ampleur portant sur le secteur des transports permettant d’ajuster les déséquilibres fiscaux en cours et d’amorcer la transition écologique dans ce secteur. Ainsi, la suppression des niches fiscales dont bénéficie le secteur aérien aujourd’hui (mise en place de la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques – TICPE – sur le kérosène, passage d’une TVA à 20% contre 10% aujourd’hui sur les vols intérieurs et mise en place d’une TVA sur les billets d’avions internationaux) permettraient, selon une étude du Réseau Action Climat, de l’UFC-Que Choisir et de Greenpeace, d’obtenir plus de 3 milliards d’euros de recettes annuelles supplémentaires[17].

Ces recettes supplémentaires couvriraient largement le besoin d’investissement supplémentaire du réseau ferroviaire. D’autres pistes de financement peuvent également être envisagées telles que l’augmentation et/ou le fléchage de la TICPE sur l’ensemble des produits pétroliers[18]. A une échelle plus locale, des péages urbains pourraient être mis en place progressivement dans le but de financer directement des projets ferroviaires (et de transports publics) locaux.

Néanmoins, la seule suppression des niches fiscales du secteur aérien permettrait, en plus d’assurer le besoin de financement supplémentaire du réseau ferroviaire, de mettre en place des mesures encourageant l’utilisation du train. La suppression de la TVA sur les billets de train avait été proposée par la Convention Citoyenne pour le Climat[19] parmi les 149 propositions de son rapport publié en juin 2020.

En outre, les associations proposent d’autres initiatives afin d’améliorer l’accessibilité du train : offrir un billet de train aller-retour à 29€ une fois par an pour tous les Français (coût estimé : 1,6 milliard d’euros[20]), relancer les trains de nuit afin de pallier le manque de liaisons ferroviaires en France et en Europe (pour un coût très modeste estimé autour de 60 millions d’euros à partir de 2030), ou encore baisser les péages ferroviaires pour le TGV en priorité pour les lignes entre les régions & les lignes internationales pour rendre plus attractif le train vis-à-vis des trajets en voiture ou en avion. Au-delà du coût financier de ces mesures, une forte volonté politique est nécessaire pour les mettre en œuvre après des décennies de soutien des pouvoirs publiques aux secteurs automobiles et aériens.

Conclusion 

Moyen de transport collectif le plus écologique, le transport ferroviaire est le pivot de la transition écologique dans le secteur des transports et nécessite d’être massivement soutenu par les pouvoirs publics, notamment en raison d’un réseau vieillissant. Ce soutien passe par des mesures politiques fortes afin de rétablir les déséquilibres fiscaux actuellement en vigueur et des initiatives permettant de rendre l’offre et la tarification du transport ferroviaire beaucoup plus attractives qu’actuellement.

Sources

[1] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-du-climat-france-europe-et-monde-edition-2021-0

[2] https://www.capital.fr/economie-politique/le-train-un-mode-de-transport-trop-cher-et-pas-assez-flexible-selon-la-federation-des-usagers-1497992

[3] https://impactco2.fr/outils/transport

[4] https://www.lefigaro.fr/voyages/partir-en-vacances-en-train-est-ce-vraiment-plus-ecologique-20230125

[5] https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/empreinte-carbone-des-trajets-en-train-calcul-et-decarbonation#les-pistes-de-reduction-de-l-empreinte-carbone-f

[6] https://www.hourrail.voyage/fr/blog/comprendre-financement-rail-francais-partie-1-laurent-fauviau

[7] A noter, il est également possible de retrouver de la coopération entre différents pays sur des lignes transfrontalières quel que soit le type de fonctionnement mais l’article se concentre sur le prisme national.

[8] https://www.publicsenat.fr/actualites/territoires/pourquoi-les-prix-des-billets-de-train-continuent-ils-daugmenter

[9] https://bonpote.com/pourquoi-lavion-est-moins-cher-que-le-train-en-europe-et-comment-y-remedier/

[10] https://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-lgvpaca/docs/pdf/autres%20etudes/datar_2.pdf

[11] https://www.hourrail.voyage/fr/blog/prix-du-train-alexis-chailloux-reseau-action-climat

[12] https://www.hourrail.voyage/fr/blog/reseau-ferroviaire-francais-le-president-sncf-tire-la-sonnette-d-alarme

[13] https://www.francebleu.fr/infos/transports/transports-le-train-coute-en-moyenne-2-5-fois-plus-cher-que-l-avion-pour-voyager-en-europe-affirme-une-etude-9588280

[14] https://www.liberation.fr/france/2018/04/13/la-route-aussi-coute-de-l-argent-a-tous-les-francais-meme-ceux-qui-ne-roulent-pas-dessus_1642600/

[15] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/04/27/les-usagers-de-la-route-paient-ils-le-juste-prix-de-leurs-circulations

[16] https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/financement-rail-nouvelle-taxe-billets-train

[17] https://www.francebleu.fr/infos/transports/transports-le-train-coute-en-moyenne-2-5-fois-plus-cher-que-l-avion-pour-voyager-en-europe-affirme-une-etude-9588280

[18] https://pour-un-reveil-ecologique.org/documents/142/Rapport_complet_ferroviaire.pdf

[19] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mercredi-07-juin-2023-2477830

[20] https://bonpote.com/pourquoi-lavion-est-moins-cher-que-le-train-en-europe-et-comment-y-remedier/

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