Article de Olivier DARDE (MS RSE DD 2023-24)
Introduction
Les pollinisateurs contribuent directement à la sécurité alimentaire. Près des trois quarts des plantes qui produisent 90% de la nourriture mondiale ont besoin de cette aide extérieure. D’après les experts apicoles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, un tiers de la production alimentaire mondiale dépend des abeilles sauvages et domestiques.
Les abeilles domestiques sont célèbres pour le rôle qu’elles jouent dans la fourniture d’aliments de haute qualité : miel, gelée royale et pollen, ainsi que d’autres produits tels que la cire d’abeille, la propolis et le venin d’abeilles mellifères. Elles font également partie de la biodiversité dont nous dépendons tous pour notre survie, et « Des passages sacrés sur les abeilles dans toutes les grandes religions du monde soulignent leur importance pour les sociétés humaines au fil des millénaires », indique un rapport de mai 2019 de la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES).
Mais ces abeilles à miel ne représentent que quelques centaines d’espèces parmi les 20 000 abeilles différentes recensées dans le monde. Les abeilles sauvages peuvent vivre en société, comme les bourdons, ou mener une vie solitaire ce qui est le cas pour la grande majorité. La plupart jouent un rôle important dans la pollinisation des cultures, soit parce qu’elles interviennent en complément de l’abeille domestique, en sortant plus tôt le matin ou après la pluie par exemple, ou par des journées plus froides, soit parce qu’elles seules sont adaptées à la morphologie florale de certaines espèces, comme les bourdons et les xylocopes faisant vibrer les fleurs de tomate pour en libérer le pollen.
Et les abeilles ne sont qu’une petite fraction de l’immense cortège des insectes visitant les fleurs. Tous, loin de là, ne sont pas des pollinisateurs efficaces. Mais il y a par exemple le cas des syrphes, parmi les mouches, qui sont souvent cités dans les études. Des groupes très marginaux au niveau de la pollinisation globale peuvent être indispensables à la survie de certaines espèces à la stratégie de pollinisation très spécialisée, comme les guêpes gallicoles pour les figuiers.
Basée sur le concept de Liste Rouge des espèces menacées élaboré par l’UICN, l’Union européenne a financé la création d’une liste rouge des abeilles et papillons qui participent à la pollinisation dont le graphique suivant présente la situation en terme d’état de conservation :
Ces évaluations ont permis d’établir qu’il existe quelque 1 900 espèces d’abeilles et 421 espèces de papillons dans l’UE. Parmi les espèces d’abeilles, 659 sont classées dans la catégorie « Préoccupation mineure » et six sont considérées comme menacées d’extinction. Pour 1 048 espèces d’abeilles, aucune information sur l’état de conservation n’est toutefois disponible.
Dans la suite de l’article, les principales initiatives Internationales, Européennes et Françaises pour la conservation et l’utilisation durables des pollinisateurs seront présentées. Les conclusions les plus critiques sur l’abondance et la diversité des pollinisateurs seront rapportées et illustrées, ainsi que l’évaluation de la pertinence de certaines actions mises en place notamment en Europe. Enfin, les plans stratégiques futurs pour le maintien des pollinisateurs seront revus, et les actions individuelles des citoyens français et européens en faveur du maintien des pollinisateurs seront évoquées : à chaque niveau, sa contribution, même modeste.
Des initiatives internationales sur la Diversité Biologique en général depuis 1992, et depuis 2001/2002 sur les pollinisateurs en particulier, dans le cadre de la CDB
En 1992, lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, La Convention sur la Diversité Biologique (CDB, ou CBD en anglais) a été présentée (après 4 années de travail) et était ouverte à la signature de tous les États et organisations régionales d’intégration économique à Rio de Janeiro.
Il s’agit d’un Traité International juridiquement contraignant pour les parties signataires qui a trois principaux objectifs :
- La conservation de la diversité biologique
- L’utilisation durable de la diversité biologique
- Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques
Son but général est d’encourager des mesures qui conduiront à un avenir durable. Elle compte 196 Parties signataires à ce jour. Depuis, les signataires de la CDP se sont réunis à 15 reprises lors de COP dont la dernière, la 15ème, s’est tenue en Décembre 2022 à Montréal au Canada.
En 2001, un des organes de la CDB a émis le tout premier rapport d’étape au sujet de la mise au point de l’initiative Internationale sur les Pollinisateurs, validée lors de la COP 6 de 2002 à La Haye, Pays-Bas. En conséquence, l’«Initiative sur la conservation et l’utilisation durable des pollinisateurs» (Initiative on Conservation and Sustainable Use of Pollinators) a pour but de suivre le déclin des pollinisateurs et son incidence sur les services de pollinisation, traiter l’absence d’informations taxonomiques sur les pollinisateurs, évaluer la valeur économique de la pollinisation ainsi que l’incidence économique du déclin des services de pollinisation, et promouvoir la conservation, la restauration et l’utilisation durable de la diversité des pollinisateurs dans l’agriculture et les éco- systèmes associés.
Vaste programme, qui n’a été que très partiellement rempli jusqu’à présent, car seulement en 2016, L’IPBES publie l’évaluation mondiale sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire, premier rapport élaborée par la Plateforme sur la biodiversité et les services écosystémiques.
Les initiatives Européennes et Françaises : un démarrage poussif, et depuis 2011 seulement
Les initiatives internationales ont été déclinées dans le monde entier. En 2011, l’Union Européenne a adopté et publié une stratégie en faveur de la Biodiversité à l’horizon 2020 afin d’enrayer la perte de cette biodiversité et la dégradation des services écosystémiques. Aucune action spécifique pour la préservation des pollinisateurs n’est prise dans cette stratégie.
En 2015, le rapport de la Commission au parlement Européen à mi-parcours de la stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020, indique que les services de pollinisation sont en chute libre avec des pressions multiples sur les abeilles sauvages
Ainsi, en 2018 seulement, « l’Initiative européenne pour les pollinisateurs – (European Pollinator Initiative) » qui vise à intégrer et coordonner des activités locales, nationales et internationales concernant la pollinisation en Europe, afin de sauvegarder les services fournis par des pollinisateurs à travers le continent voit le jour.
Son ordre de mission est clair : « Protéger et augmenter la biodiversité et la valeur économique des pollinisateurs dans l’ensemble de l’Europe ». Cette initiative permettra la mise en place d’une action unique et coordonnée pour lutter contre le déclin des pollinisateurs, même si d’autres programmes plus sectoriels contribuaient d’ores et déjà aux mesures bénéfiques pour les pollinisateurs. On peut citer :
- Les directives «Oiseaux» et «Habitats» dans le cadre des politiques environnementales et sanitaires
- La législation européenne sur les pesticides,
- Les politiques de cohésion et de recherche et d’innovation de la politique agricole commune
Cette initiative établit des objectifs à long terme et des actions à court terme selon trois priorités :
- Améliorer les connaissances sur le déclin des pollinisateurs, ses causes et ses conséquences
- Lutter contre les causes du déclin des pollinisateurs
- Sensibiliser, engager la société dans son ensemble et promouvoir la collaboration
En France, Les ministères de l’agriculture et de l’environnement ont respectivement mis en place un plan de développement durable de l’apiculture (PDDA pour la période 2013-2017) en 2012 et un plan national d’actions (PNA – France Terre de pollinisateurs» pour la préservation des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages pour la période 2016-2020) en 2015 en faveur des insectes pollinisateurs, qui partagent de nombreux objectifs en termes de diminution de la mortalité due aux causes chimiques et biologiques et d’amélioration de la connaissance scientifique.
Suivis des actions, état de la biodiversité des pollinisateurs : une situation critique
En 2016, soit plus de 10 ans après la première date retenue – 2005 -, l’IPBES a publié le résumé à l’intention des décideurs du rapport d’évaluation de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques concernant les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire qui stipule que :
- Les pollinisateurs sauvages ont diminué en termes de présence et de diversité (et d’abondance pour certaines espèces) aux échelles locale et régionale, en Europe du Nord-Ouest et en Amérique du Nord.
- Bien qu’un manque de données (identification des espèces, répartition et abondance) concernant les pollinisateurs sauvages pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie et l’Océanie empêche toute appréciation générale sur leur état à l’échelon régional, des déclins ont été enregistrés au niveau local.
- Il est urgent de mettre en place une surveillance nationale ou internationale à long terme des pollinisateurs et de la pollinisation pour pouvoir fournir des informations sur l’état et les tendances concernant la plupart des espèces et la plupart des régions du monde.
Les évaluations de la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) indiquent que 16,5 % des pollinisateurs vertébrés (comme les chauves-souris) sont menacés d’extinction au niveau mondial (ce chiffre atteignant 30 % pour les espèces insulaires). Il n’existe pas d’évaluation mondiale de la Liste rouge concernant spécifiquement les insectes pollinisateurs.
Toutefois, des évaluations régionales et nationales font état de niveaux élevés de menace pesant sur certaines espèces d’abeilles et de papillons. En Europe, 9 % des espèces d’abeilles et de papillons sont menacés et les populations diminuent pour 37 % des abeilles et 31 % des papillons (à l’exclusion des espèces insuffisamment documentées, à savoir 57 % des abeilles). Lorsque des évaluations des Listes rouges nationales existent, elles montrent que, souvent, plus de 40 % des espèces d’abeilles peuvent être menacées.
L’abondance, la diversité et la santé des pollinisateurs ainsi que la pollinisation elle-même sont menacées par des facteurs directs qui génèrent des risques pour les sociétés et les écosystèmes. Parmi ces menaces figurent les changements d’usage des terres, l’agriculture intensive et l’utilisation de pesticides, la pollution de l’environnement, les espèces exotiques envahissantes, les agents pathogènes et les changements climatiques.
Le rapport de l’évaluation mondiale de la BIODIVERSITÉ ET LES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUE
RÉSUMÉ À L’INTENTION DES DÉCIDEURS (IPBES 2019) et notamment l’évaluation thématique sur les pollinisateurs indique que des déficits de récolte d’une valeur comprise entre 235 et 577 milliards de dollars risquent de survenir chaque année par suite de la disparition de pollinisateurs.
Pour l’Europe et la France, les conclusions sont similaires. Ainsi, à l’origine de ces phénomènes plusieurs facteurs interagissent, comme la disponibilité et la qualité des ressources alimentaires et des habitats, les pratiques agricoles et la gestion paysagère des agro- écosystèmes, les rotations culturales et l’utilisation d’intrants agricoles (notamment les produits phytopharmaceutiques), les prédateurs ou les dangers biologiques qui peuvent être à l’origine de maladies et qui altèrent l’état de santé des pollinisateurs
Pour les pollinisateurs sauvages, dont le déclin est de mieux en mieux renseigné (une espèce d’abeille et de papillon sur dix en Europe est au bord de l’extinction, selon les listes rouges UICN), il faut ajouter comme causes du déclin :
- La fragmentation des habitats,
- Les changements d’utilisation des sols,
- L’uniformisation des pratiques sylvicoles et de jardinage,
- La fauche intensive,
- La déprise et l’abandon du pastoralisme,
- et de l’élevage du bétail de manière extensive
qui réduisent considérablement la diversité et la richesse des agrosystèmes. Ainsi, le taux de mortalité hivernale des abeilles domestiques 2017-2018 pour l’ensemble de la France métropolitaine a été estimé à 29,3 % et 21,3% à la sortie de l’hiver 2018-2019 alors qu’un taux considéré comme acceptable/normal est inférieur à 10%.
Si l’on raisonne en termes de « pollinisateur efficace », l’abeille domestique apparaît comme un pilier indispensable à la bonne pollinisation d’un grand nombre de cultures. Si l’on raisonne en termes de « pollinisateur privilégié », alors l’abeille domestique n’est pas forcément la plus productive.
La nécessité de saturer les champs de luzerne porte-graines en ruches pour obtenir une pollinisation efficace alors que le même résultat est obtenu avec cinq à dix fois moins d’abeilles coupeuses de feuilles sauvages le montre bien. (Albouy, Vincent. Pollinisation : Le Génie de la Nature)
Mieux vaut raisonner en termes de réseaux de pollinisateurs. Certaines espèces, comme l’abeille domestique, jouent un rôle-clé dans la pollinisation de nombreuses cultures. Mais tous les pollinisateurs peuvent être importants. Dans certaines circonstances atypiques ou en cas de défaillance des pollinisateurs principaux, des espèces secondaires deviennent alors les seuls pollinisateurs disponibles. (Albouy, Vincent. Pollinisation : Le Génie de la Nature, Quae, 2018).
En ce qui concerne les solutions de remédiation pour renforcer les populations de pollinisateurs, la mise en place de jachères fleuries a été promue en France. Et comme le diable se cache dans les détails… même si les jachères fleuries constituent a priori une initiative potentiellement intéressante dans une optique de conservation de la nature, plusieurs variétés horticoles étrangères à la flore française font partie des mélanges imposés pour les « jachères fleuries » qui accroissent l’artificialisation des milieux et sont susceptibles de nuire aux phytocoenoses autochtones.
En effet, à cet égard, la Stratégie française pour la Biodiversité (MEDD, 2004) rappelle que l’introduction d’espèces exogènes est la deuxième cause de disparition des espèces dans le monde. Par ailleurs, l’utilisation d’espèces végétales exogènes dans les jachères en limite considérablement l’intérêt pour l’entomofaune. En effet, de nombreuses espèces d’insectes ne fréquenteront probablement pas ces jachères et seules les espèces les plus ubiquistes, donc les plus communes, en bénéficieront.
Aussi, seule l’utilisation de mélanges diversifiés de graines d’espèces indigènes/locales, pour réaliser ces jachères, présentent de nombreux avantages :
– Ne pas introduire de plantes exotiques dans nos écosystèmes
– Permettre la réalisation du cycle biologique de certaines espèces de plantes, parfois communes, mais qui peuvent être fauchées ou détruites par diverses activités avant leur floraison ou leur fructification dans les parcelles avoisinantes. Cela serait favorable au développement de la biomasse d’insectes qui constitue une ressource alimentaire pour de nombreuses espèces
– Assurer une plus grande diversité d’espèces d’insectes dans la mesure où nombre d’espèces sont inféodées à des plantes indigènes spécifiques pour leur alimentation, leur reproduction, etc. Cette diversité est aussi gage d’équilibre entre espèces dites « nuisibles », leurs prédateurs et leurs parasites. De telles jachères ont donc un rôle à jouer en lutte biologique.
– Favoriser les pollinisateurs sauvages en particulier les abeilles sauvages, notamment celles à langue longue, et les papillons, auxiliaires souvent plus efficaces que la seule Abeille domestique grâce à des semis de plantes dont les fleurs profondes sont adaptées à ces pollinisateurs à trompe longue tels des lamiers, fèves, ou encore chardons.
Un autre exemple d’initiative a priori séduisante pour maintenir la pollinisation et les pollinisateurs est la multiplication des ruches d’abeilles domestiques (Apis millefera). Or cet engouement vers la densification des ruches, selon une étude de 2019, impacte négativement la fréquence de visite des fleurs par les pollinisateurs sauvages. Une importante densité de ruches déséquilibre également les réseaux d’interaction plantes-pollinisateurs : quelques plantes seront saturées de visites, alors que d’autres seront très peu sollicitées par les insectes.
Cette iniquité de pollinisation est indicatrice d’écosystèmes dégradés, où la disparition de certains pollinisateurs réduit le potentiel de reproduction de leurs plantes associées. Ces constats ont été faits tant en ville, qu’à la campagne. Il a été constaté que plus l’on s’approche d’un rucher, moins les abeilles sauvages sont abondantes. En dessous de 900 mètres de distance au rucher, l’abondance des abeilles sauvages est en moyenne 55 % inférieure à celle des sites témoins – sans ruches.
Quelle efficacité pour les initiatives européennes / les conclusions et recommandations de la CCE
En 2020, La Cour des Comptes Européenne a publié les résultats de l’Audit sur les initiatives de l’Union Européenne en faveur de la protection des pollinisateurs de 2018. Le constat est sévère puisque la conclusion générale de l’audit est que les initiatives n’ont pas porté leurs fruits.
Ainsi les principales alertes faites par la CCE sont les suivantes et se regroupent selon 3 grandes thématiques :
1. Le cadre de l’Union européenne relatif aux pollinisateurs sauvages n’a guère produit d’effets pour ce qui est d’enrayer le déclin
a) La stratégie de l’Union Européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020 ne comporte pas d’actions spécifiques pour les pollinisateurs sauvages ; En effet sur les 6 objectifs fixés, 4 sont indirectement bénéfiques pour les pollinisateurs sauvages. Pour autant, en 2015, lors de l’évaluation à mi-parcours de la stratégie, seul l’un des 4 objectifs indirects était en voie d’atteinte. Pour les autres, aucun progrès sensible n’était avéré.
b) Les principales politiques et mesures n’ont pas été modifiées pour tenir compte de l’initiative sur les pollinisateurs. Ainsi, en 2018, parce que l’initiative sur la protection des pollinisateurs a pris la forme d’une communication de la Commission, elle n’a pas permis d’établir un cadre juridique pour la protection et la restauration des insectes pollinisateurs sauvages dans l’UE, ni d’affecter des ressources financières spécifiques. L’initiative sur les pollinisateurs a été axée sur trois grands facteurs de déclin (pour lesquels elle comporte des actions spécifiques): la perte d’habitats dans les paysages agricoles et urbains, l’utilisation de pesticides, les espèces exotiques envahissantes. Parmi les 14 actions déclinées pour lutter contre les facteurs de déclin, 9 étaient axées sur des mesures existantes relatives à la préservation de la biodiversité et de la nature, à l’agriculture et aux pesticides, Malheureusement, ces politiques et mesures n’ont pas été modifiées pour en tenir compte.
c) Enfin, les mécanismes de gouvernance et de contrôle de l’initiative sur les pollinisateurs font défaut. Les définitions des rôles et responsabilités n’ont pas été établis précisément entre les différentes parties prenantes, ce qui a dilué l’efficacité des différentes mesures.
2. Les politiques en matière de biodiversité et d’agriculture ne comprennent pas d’exigences spécifiques relatives à la protection des pollinisateurs sauvages
a) La Commission n’a pas fait usage de certaines possibilités offertes par les mesures visant à préserver la biodiversité. En effet si l’on considère l’exemple du Safrané, espèce de papillons en danger critique, un plan d’action comportant des mesures de conservation et de restaurations spécifiques à mettre en œuvre par les États membres, publié en 2012 n’a eu aucune incidence positive sur l’état de la population du Safrané. En effet, d’après les données disponibles en 2018 sur les sites Natura 2000, l’état de conservation de ce papillon restait insuffisant dans 7 des 11 états membres où sa présence était signalée.
b) La politique agricole commune (PAC) ne comporte pas de dispositions juridiques spécifiques relatives aux pollinisateurs sauvages. Ainsi, pour la période 2014-2020, la PAC comprend plusieurs instruments visant à préserver et à améliorer la biodiversité, notamment la conditionnalité, le régime de paiement vert et les mesures agroenvironnementales et climatiques. Toutefois, aucune disposition juridique spécifique ne protège les pollinisateurs sauvages. Cela souligne le manque de coordination entre les différentes initiatives.
3. La législation sur les pesticides contient des dispositions destinées à protéger les abeilles mellifères, mais elles ne sont pas toutes appliquées
a) La législation de l’UE en matière de produits phytopharmaceutiques exige que les abeilles mellifères soient protégées. En effet, En 2009, le législateur a renforcé la protection des abeilles mellifères (ou domestiques – la plupart des abeilles sauvages sont solitaires et ne produisent pas de miel) par l’intermédiaire du règlement sur les produits phytopharmaceutiques(PPP) en imposant, outre les essais d’exposition de courte durée des essais de toxicité chronique (exposition de longue durée) et des essais concernant les effets sublétaux sur les abeilles adultes et sur les larves d’abeilles. En revanche, Le règlement sur les PPP ne comportait pas de dispositions spécifiques destinées à protéger les espèces pollinisatrices sauvages !
b) La procédure d’évaluation des risques concernant les abeilles mellifères n’est actuellement pas conforme aux exigences légales. En effet, le document d’orientation de l’EFSA de 2013 comprenait une proposition concernant la manière d’évaluer la toxicité, pour les abeilles, des PPP contenant plus d’une substance active. Les États membres n’ayant pas approuvé cette orientation, les essais n’ont pas été inclus dans le système actuel d’évaluation des risques. Début 2020, l’EFSA a commencé à élaborer une méthodologie pour évaluer les effets sur les abeilles de plusieurs substances actives combinées (effets cumulés et synergiques).
c) Le cadre de l’UE a permis à des États membres de continuer d’accorder des autorisations d’urgence concernant des produits phytopharmaceutiques interdits, nocifs pour les pollinisateurs. Au cours de la période 2013-2019, les États membres ont octroyé 206 autorisations d’urgence pour les trois néonicotinoïdes faisant l’objet de restrictions. Le nombre de pays accordant des autorisations de même que le nombre d’autorisations octroyées n’ont cessé de croître jusqu’en 2017. Malgré l’interdiction totale d’utiliser ces trois néonicotinoïdes (imidaclopride, thiaméthoxame, et clothianidine) en extérieur dans l’UE, 15 États membres en ont autorisé des utilisations spécifiques en 2018, et 10 États membres ont autorisé leur utilisation en 2019.
A l’issue de ces constats, 3 grandes recommandations ont été faites afin de définir le programme européen à l’horizon 2030 de protection des pollinisateurs :
- Évaluer si des mesures spécifiques en faveur des pollinisateurs sauvages sont nécessaires.
- Mieux intégrer les actions visant à protéger les pollinisateurs sauvages dans les instruments d’intervention de l’UE qui ont un lien avec la préservation de la biodiversité et l’agriculture.
- Améliorer la protection des pollinisateurs sauvages dans le processus d’évaluation des risques liés aux pesticides.
Les nouvelles mesures complémentaires pour lutter contre la diminution des populations de pollinisateurs
A la suite des conclusions de la CCE, La Stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, adoptée par la Commission européenne en 2020, vise notamment à enrayer le déclin des pollinisateurs et prévoit la mise en œuvre intégrale de l’initiative européenne, ainsi que d’éventuelles mesures supplémentaires.
Au niveau national, à la suite du plan biodiversité lancé par le Gouvernement en 2018, la définition d’une trajectoire permettant de limiter très fortement l’artificialisation des sols doit permettre de préserver les milieux favorables aux pollinisateurs et, en réduisant l’artificialisation dans les milieux urbains, d’y ménager des espaces favorables aux insectes pollinisateurs et à la biodiversité dans une optique globale d’amélioration du cadre de vie.
La stratégie nationale pour la biodiversité (3e version) pour la période 2021-2030 permettra d’amplifier la mobilisation en faveur de la biodiversité et de sa prise en compte par les secteurs d’activités dans le cadre d’un ensemble cohérent d’actions. Dans ce cadre, les PDDA de 2013 et PNA de 2016 ont été reconduits en 2021 sous le nom de Plan National en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026.
Ce plan se veut plus ambitieux. Le plan national s’étend sur une durée de 5 ans sur la période 2021–2026. Le plan national est piloté par le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, un comité national de suivi a été mis en place afin de piloter les actions avec les principaux acteurs concernés. En outre un conseil scientifique a été nommé afin de donner des avis et conseils. 6 axes de travail ont été retenus :
- Améliorer les connaissances scientifiques sur les pollinisateurs sauvages et leur déclin liés aux activités humaines notamment
- Identifier des leviers économiques d’accompagnement des agriculteurs, apiculteurs, forestiers afin de maintenir le service de pollinisation par l’aménagement de l’espace agricole et la mise en place de pratiques agricoles et de gestion forestière favorables à l’ensemble des pollinisateurs.
- Accompagner les autres secteurs d’activités en favorisant les pollinisateurs dans les aménagements urbains, et les aménagements des infrastructures linéaires, des sites industriels, des sites à grande emprise foncière, des aires protégées).
- Préserver le bon état de santé des abeilles et autres pollinisateurs en luttant contre les agresseurs biologiques (agents infectieux et parasitaires comme le Varoa), tout en s’assurant des bonnes conditions de détention des abeilles domestiques, notamment en terme de densité et de localisation des colonies en fonction des capacités d’accueil des territoires.
- Règlementer la protection des pollinisateurs lors de l’autorisation et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
- Partager les pratiques agricoles favorables aux pollinisateurs en les recensant au sein d’un dispositif collégial pour intégrer les enjeux de préservation et de valorisation des pollinisateurs.
Pour conclure, à chacun son rôle, à tous les niveaux
La situation des pollinisateurs est critique partout dans le monde. A ce jour, même si les plans d’actions et les initiatives à tous les échelons, internationaux, continentaux et pays peinent à produire des effets notoirement positifs sur le maintien des populations de pollinisateurs, ces programmes et initiatives sont pérennisés et renforcés pour lutter contre le déclin des pollinisateurs, et préserver les services écosystémiques qu’ils fournissent gratuitement à la planète, et à l’humanité. La prochaine étape d’évaluation pour l’initiative européenne et française aura lieu en 2026.
D’ici là :
- Pour sensibiliser les citoyens du Monde, l’ONU a proclamé le 20 mai journée mondiale de l’abeille précisément pour encourager les gouvernements, les organisations, la société civile et les citoyens concernés à protéger les pollinisateurs et leurs habitats
- Et en tant que citoyen pour préserver les abeilles et les autres pollinisateurs, la Commission Européenne propose une série d’initiative « individuelle » à faire chez soi et dans son jardin :
- Faites pousser des plantes indigènes et faites-le partout
- Laissez fleurir votre gazon, vos haies et vos buissons
- Laissez des espaces sauvages
- Protégez les lieux de nidification et aménagez-en. Mettez à la disposition des pollinisateurs des lieux de nidification en laissant des îlots d’herbe non coupée, ou même en fabriquant des abris à abeilles
- N’utilisez pas de pesticides qui nuisent aux abeilles et en cas de besoin, pulvérisez les insecticides sélectifs en l’absence de vent, soit tôt le matin ou tard le soir, lorsque les abeilles se retirent des fleurs
- Minimisez la pollution lumineuse à l’extérieur
- Achetez du miel et d’autres produits de la ruche chez votre apiculteur
- Sensibiliser les enfants et les adolescents à l’importance des abeilles et exprimer votre soutien aux apiculteurs
- Devenez un scientifique-citoyen en participant aux initiatives de surveillance des pollinisateurs (par exemple : L’OBSERVATOIRE DES BOURDONS).
Et toutes ces actions peuvent être reprises et démultipliées dans votre voisinage, votre communauté, à l’école de vos enfants, sur votre lieu de travail…
A vous de jouer !
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BIBLIOGRAPHIE
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Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026 – MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION
Albouy, Vincent. Pollinisation : Le Génie de la Nature, Quae, 2018. ProQuest Ebook Central,
2023-QUAND LES ABEILLES DOMESTIQUES CONCURRENCENT LES POLLINISATEURS SAUVAGES. Hemminki Johan, naturaliste département Biodiversité – ARB ÎdF
2004 MEDD-Stratégie Nationale pour la Biodiversité
Premier Ministre – Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020