Article d’Olivier Dupont (RSEDD 2019)

 

Consacrée internationalement par la norme ISO 26.000 adoptée en 2010, la RSE a été initialement définie comme constituant « un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec les parties prenantes sur une base volontaire. » 1

Les catastrophes industrielles des années 1980 (Bhopal, Tchernobyl), des années 1990 (Erika), des années 2000 (AZF), la destruction de la couche d’ozone et la prise de conscience de l’impact du réchauffement climatique comptent parmi les éléments les plus notoires qui motivent depuis une trentaine d’années les sociétés à tenir compte des aspects environnementaux dans leurs activités économiques.

 

 

Cette prise de conscience a incité de nombreuses entreprises à adopter une démarche volontaire pour préserver notre environnement et la planète avec un crédo “On ne veut pas être les meilleures entreprises AU monde mais les meilleures entreprises POUR le monde”. 2

Nous pouvons citer de nombreux exemples d’entreprises ayant intégré très tôt les enjeux environnementaux dans leurs activités, ce qui a contribué à leur succès et leur développement économique. Un des plus connus est celui du cabinet de conseil en stratégie UTOPIES, créé en 1993 et première entreprise à avoir reçu en France la certification B-CORP.

En dehors des désastres environnementaux, de bouleversantes catastrophes humaines ont mis en lumière la nécessité d’intégrer les aspects sociétaux dans les décisions économiques. L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 est un des événements les plus marquants et les plus choquants.

Ce cas a été très médiatisé et les ONG ont exercé des actions importantes pour relayer le scandale. Cet événement a conduit à la mise en place de nouvelles réglementations, comme la loi sur le devoir de vigilance en France, cf. plus bas.

Avec la fonction RSE, les démarches des entreprises sont couvertes de manière large, de l’égalité homme-femme à l‘intégration des personnes en situation de handicap, en passant par les actions pour diminuer l’empreinte carbone.3

Pour l’entreprise, le fait de tenir compte des considérations économiques et sociétales doit être compatible avec la croissance du chiffre d’affaires et une meilleure rentabilité ; c’est un des principaux enjeux.

La prise de conscience des consommateurs des enjeux sociétaux et environnementaux dans leurs actes d’achat a son revers de la médaille : le greenwashing, procédé marketing réalisé dans le but de se donner une image écologique, qui n’est pas forcément fondée.

Quelques exemples notoires ont été épinglés. Citons par exemple celui d’EDF (Greenpeace 2018) ou la lessive LE CHAT. La marque avait été initialement critiquée par l’association WWF. Cette dernière reprochait à LE CHAT d’utiliser de manière abusive le mot écologie et pointait le fait que la marque n’avait obtenu aucun label. La filiale du groupe HENKEL a su rebondir et obtenir le label Ecolabel pour mettre en avant un argument marketing de poids selon lequel « l’Ecolabel garantit une lessive dure avec les taches et plus douce avec la planète ». 4,5,6,7, 8

Beaucoup d’entreprises développent leur services de RSE par obligation, pour respecter la réglementation. L’intégration des impacts sociaux et environnementaux est passée du stade de démarche volontaire à celui d’exigence réglementaire. Parmi les lois les plus récentes et celles qui nous concernent directement en France, nous pouvons citer :

– la loi PACTE en 2019, loi relative à la croissance et à la transformations des entreprises, dans laquelle il est écrit qu’une société doit prendre « en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Cette loi donne la possibilité aux entreprises volontaires de se doter d’une « raison d’être »,

– la loi sur le devoir de vigilance en 2017, conséquence de la catastrophe du Rana Plaza, qui précise que les sociétés doivent veiller aux bonnes pratiques sociales et environnementales de leurs filiales et sous-traitants. La loi instaure la possibilité d’engager la responsabilité civile de la multinationale pour l’impact environnemental et humain de ses activités.

–  la Loi sur la transition énergétique pour la croissance verte en 2015 qui instaure notamment l’obligation de communication sur la gestion du risque climatique.

On est en train de passer d’une démarche volontaire, à une obligation normative, source de responsabilité dans les deux domaines. 9

Les entreprises doivent développer des fonctions RSE au sein de leur département de compliance, pour se mettre en conformité aux lois et aux règlements.

Aujourd’hui tous les grands groupes communiquent sur leur RSE dans leurs rapports intégrés. Mais pour pouvoir communiquer…il faut agir ! Que ce soit par réelle conviction de leurs managers, par volonté marketing ou par nécessité de respecter les lois, les entreprises changent leur business dans le but de préserver l’environnement ou de respecter les droits de l’homme.

Nous présentons des exemples dans trois secteurs, qui ne sont généralement pas perçus comme « verts ».

Épinglées lors de la catastrophe du Rana Plaza, ainsi que pour leur empreinte carbone, les entreprises du secteur du textile réagissent.

Dans sa communication aux investisseurs, H& M met l’accent sur l’économie circulaire et sur la lutte contre le changement climatique (Circular & Climate positive) et sur les droits de l’homme et les conditions de travail (Fair & Equal).

Le coton est la culture la plus polluante de la planète : il utilise 25% de tous les insecticides et 11% des pesticides alors qu’il ne représente que 2,5% de la culture mondiale.10

Conscient des impacts du coton sur la préservation de l’environnement ou bien obligé de changer pour vendre, peu importe les raisons, H&M a développé le coton biologique ; ce coton est cultivé sans pesticide, insecticide, engrais chimique ou OGM.

Parmi les faits marquants de 2019, H & M communique notamment dans son reporting RSE sur le fait que le groupe a atteint 97% de coton recyclé ou autre coton issu de sources durables et ne s’approvisionnera plus en coton conventionnel pour les collections à partir de 2020. Le document rapporte aussi que 900 000 travailleurs de la chaîne d’approvisionnement bénéficient de systèmes de gestion de salaires améliorés et plus de 1,1 million ont bénéficié de programmes de relations professionnelles et de dialogue sur le lieu de travail.11

Régulièrement attaquées par les ONG, les banques s’adaptent.

Société Générale s’est engagée en 2019 à « réduire à zéro son exposition au secteur du charbon thermique, au plus tard en 2030 pour les entreprises ayant des actifs dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE et d’ici à 2040 dans le reste du monde ». La Banque a aussi signé les Poseidon Principles en faveur de la décarbonation du transport maritime.

En 2019, le groupe a atteint son objectif de lever 100 milliards d’euros en faveur de la transition énergétique avec un an d’avance et poursuit son action avec un nouvel engagement de 120 milliards d’euros en faveur de la transition énergétique d’ici à 2023.  L’objectif de limiter à 19 % d’ici à fin 2020 la part du charbon dans son mix énergétique financé est dépassé (16,3%).12

Ces engagements venant d’une banque française de premier ordre et  acteur majeur du financement des entreprises ont des impacts significatifs sur le respect de l’environnement.

Les entreprises du secteur de l’énergie se transforment. Un groupe comme ENGIE, parfois accusé dans le passé de greenwashing, est en train de complètement modifier son business model et de faire évoluer la répartition de son chiffre d’affaires pour développer la part des énergies renouvelables et des services aux entreprises en vue de réduire l’impact carbone.

Guidé par sa raison d’être « agir pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone », ENGIE poursuit la mise en œuvre de sa stratégie pour devenir le leader de la transition neutre en carbone. Le Groupe a défini de nouveaux objectifs à horizon 2021 et 2030 afin de piloter au plus près sa performance financière et RSE.13

Les énergies renouvelables – hydraulique, solaire, éolien terrestre, éolien en mer, biomasse, biogaz, hydrogène vert –  représenteront 50 % des nouveaux projets renouvelables d’ENGIE d’ici à 2021. Le Groupe vise à devenir l’un des leaders des PPA (Power Purchase Agreement : contrats long terme d’achat d’électricité) renouvelables pour les entreprises et ambitionne d’ajouter 9 GW de capacités à son portefeuille d’ici à 2021. ENGIE joue également un rôle majeur dans le développement de renouvelables de nouvelle génération, notamment l’éolien en mer et les gaz verts.

Le digital permet de proposer des services innovants et personnalisés en alliant la maturité des savoir-faire du Groupe en énergie décarbonée et décentralisée aux technologies numériques. Avec 10 plateformes digitales mondiales, ENGIE propose une large palette de services numériques de pointe qui utilisent les données, l’intelligence artificielle ou la blockchain pour améliorer la performance et la fiabilité des installations.

Pour les entreprises, l’intégration des critères RSE et du prix interne du CO2 dans les décisions d’investissement tend à revêtir autant d’importance que les critères financiers. Pour les investisseurs, l’impact du changement climatique est désormais un sujet récurrent d’interrogation.

RSE/CSR/ESG sont des termes maintenant profondément ancrés dans les multinationales.

La route est encore longue, mais les entreprises semblent avoir pris la bonne direction.

Ces exemples d’actions de fleurons de l’industrie ou des services contribuent incontestablement à lutter contre le changement climatique, préserver l’environnement et fournir des conditions de travail plus équitables. Ne pouvons-nous pas conclure que la RSE contribue à un monde meilleur ou au moins à réduire les impacts anthropogènes?

 

 


Sources

1 Nathalie Cazeau, www.village-justice.com, « RSE et Compliance, quels liens ? », publié en janvier 2017, https://www.village-justice.com/articles/RSE-COMPLIANCE-quels-liens,24137.html

2 Julia Lemarchand, www.start.lesechos.fr, « Environnement : plus de 100 entreprises désormais labellisées B Corp en France, publié le 15 novembre 2019  https://start.lesechos.fr/societe/environnement/environnement-plus-de-100-entreprises-desormais-labellisees-b-corp-en-france-1174911

3 Noémie Mulan, www.solutions.lesechos.fr, « Environnement : un engagement incontournable pour les entreprises », publié le 13 février 2020, https://solutions.lesechos.fr/equipe-management/c/environnement-un-engagement-incontournable-pour-les-entreprises-19613/

4,5,6,7,8 Noria Ait-Kheddache, www.lexpress.fr, « Quand Le Chat se veut vert, l’OIP voit rouge », publié le 11 janvier 2010, https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/quand-le-chat-se-veut-vert-l-oip-voit-rouge_842366.html

Frédéric Bianchi, www.lsa-conso.fr, « Comment le Chat s’est remis au vert après son bad buzz », publié le 22 avril 2014, https://www.lsa-conso.fr/comment-le-chat-s-est-remis-au-vert-apres-son-bad-buzz,170775

Jean-Michel Gradt, www.lesechos.fr, « Électricité verte : carton rouge de Greanpeace à EDF et Total », publié le 28 septembre 2018, https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/electricite-verte-carton-rouge-de-greenpeace-a-edf-et-total-140331

Arnaud Gonzague, www.nouvelobs.com, « EDF pas si verte qu’elle le prétend (disent les publicitaires », publié le 26 octobre 2015, https://www.nouvelobs.com/planete/cop21/20151026.OBS8350/edf-pas-si-verte-qu-elle-le-pretend-disent-les-publicitaires.html

Pierre Zéau, www.lefigaro.fr, «  Électricité verte : Greanpeace épingle les géants de l’énergie », publié le 28 septembre 2018,  https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/09/28/20002-20180928ARTFIG00061-electricite-verte-greenpeace-epingle-les-geants-de-l-energie.php

9 Nathalie Cazeau, www.village-justice.com, « RSE et Compliance, quels liens ? », publié en janvier 2017, https://www.village-justice.com/articles/RSE-COMPLIANCE-quels-liens,24137.html

10 Rédaction Voyageons-Autrement, www.voyageons-autrement.com, « Le Coton Biologique ou Organic Cotton », publié le 22 janvier 2010, https://www.voyageons-autrement.com/organic-cotton.html

11 https://hmgroup.com/media/news/general-news-2020/hmgroup-sustainable-materials-ranking.html

https://hmgroup.com/media/news/financial-reports/2020/4/3621956.html

https://hmgroup.com/content/dam/hmgroup/groupsite/documents/masterlanguage/CSR/reports/2019_Sustainability_report/H%26M%20Group%20Sustainability%20Performance%20Report%202019.pdf

12 https://www.societegenerale.com/sites/default/files/documents/Rapport-integre/2020/risg2020_fr_web.pdf

13 https://www.engie.com/sites/default/files/assets/documents/2020-04/RI-Engie2020-FR-vdef_1.pdf

 


Autres articles

https://www.liberation.fr/planete/2019/06/26/drame-du-rana-plaza-quelles-entreprises-ont-tire-les-lecons_1736402

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/le-mauvais-filon-de-la-viscose-pour-zara-h-m-ou-encore-marks-spencer-144539.html

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/quand-grands-groupes-et-ong-se-disent-oui-ca-peut-parfois-faire-bouger-les-choses-145853.html

https://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Les-ONG-meilleures-ennemies-des-marques-27463-1.htm#

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