par Clémence Belloir (RSEDD 2018)

 

Parlons eau. Cette ressource qui couvre 72% de notre planète et qui nous permet de vivre est aujourd’hui soumise à d’importantes tensions dans le monde entier.

Si l’on se focalise sur le cas de la France, on peut en recenser à différents niveaux. Tout d’abord au niveau environnemental, avec les inondations, les sécheresses, l’émergence des micro-polluants ou encore les pesticides qui peuvent être difficiles et coûteux à traiter. Au niveau économique, que ce soit au sein des collectivités ou des entreprises privées, la volonté est de constamment tirer les budgets vers le bas. Et enfin, au niveau organisationnel, sachant que le choix du mode de gestion des services de l’eau et de l’assainissement (SEA) est de plus en plus questionné et débattu.

Cet article n’a pas vocation à alimenter ou trancher le débat entre régie ou délégation de service public, mais simplement à exposer, comment, dans le contexte actuel, la mise en place d’une politique RSE solide permettrait aux collectivités d’être mieux outillées afin de faciliter et renforcer la gestion des SEA.

 

Gestion de l’eau : régie ou délégation de service public

Deux modes principaux de gestion des services de l’eau et de l’assainissement (SEA) coexistent : la régie et la délégation de service public. En régie, la collectivité gère directement les SEA par ses propres moyens en personnel et en matériel. Elle a en outre la possibilité de passer un ou plusieurs marchés publics pour l’exécution de ce service. En revanche, si la collectivité choisit de confier la globalité de l’exécution du service à un tiers, on parle alors de délégation de service public (DSP)[1]. Tandis que la gestion en régie n’a pas de fin en soi, un contrat de DSP a une durée limitée de 5 à 20 ans. Pendant cette période, le délégataire porte le risque financier de l’exploitation et en retour, les usagers rémunèrent directement l’entreprise, qui assure avec ses propres personnels le bon fonctionnement du service.

En France, environ 70% des services publics d’eau potable font l’objet d’une régie, couvrant une population de près de 25 millions d’habitants, soit un peu moins de 40% de la population. Les services gérés en DSP représentent 30% des services mais couvrent en revanche plus de 60% de la population. Cela s’explique par la taille moyenne des services en gestion déléguée, trois ou quatre fois plus importante que la taille moyenne des services gérés en régie [2][3].

 

Rapide historique de la gestion des SEA

Les collectivités se sont tout d’abord regroupées : l’intercommunalité permettait ainsi de répondre à la complexification de la réglementation dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Néanmoins, lorsque la régie est de taille petite ou moyenne, celle-ci n’a pas forcément les moyens financiers et matériels pour répondre aux exigences réglementaires. La collectivité se tourne alors vers un délégataire de service public qui, lui, peut assumer le coût des infrastructures à mettre en place et qui possède le savoir-faire technique dont ne disposent pas les mairies[2][4]. De même, plus le degré de technicité est élevé, plus la collectivité a tendance à confier la gestion des SEA à un délégataire, et ce quelle que soit sa taille.

Le fait que les élus s’appuient sur des entreprises spécialisées pour assurer un service de plus en plus complexe semble normal. Le revers de cette délégation de service est la perte de contrôle et de connaissance de la part des collectivités qui ont parfois délaissé leur rôle d’autorité organisatrice sur ce sujet pourtant critique pour elles.

Depuis 2010, des scandales tels que la découverte de fraudes, par exemple à Grenoble, ou d’un mauvais entretien des canalisations et des gaspillages inhérents, comme à Bordeaux, remettent le choix du mode de gestion des SEA au cœur du débat qui, dans certains cas, se traduit par la remunicipalisation des services[1]. L’aspect positif de ces scandales est que l’on constate un regain d’intérêt pour ce sujet à la fois de la part des collectivités et des citoyens.

Nous allons voir comment cette période de remise en cause peut être une opportunité de travailler à une gestion des SEA solide et partagée par tous les acteurs (collectivités, délégataires, citoyens).

 

Quel intérêt pour une collectivité de mieux appréhender la gestion des SEA ?

Dans l’optique de reprendre la main sur la gestion des SEA, une collectivité doit tout d’abord faire un état des lieux de sa situation et de ses besoins puis de ses attentes, en lien avec les spécificités de son territoire[4].

Elle peut ainsi identifier ses caractéristiques locales (le réseau dessert-il majoritairement des particuliers, des industriels ou des agriculteurs? Quel est le tissu économique et social? Présence d’une zone naturelle protégée?), les aspects patrimoniaux de son service (le réseau et les infrastructures sont-ils en bon état? Sont-ils suffisants pour supporter la croissance démographique?), les aspects environnementaux locaux (captation d’une ressource plus ou moins vulnérable, mais aussi degré de traitement des eaux usées, qualité de leur rejet dans la nature et qualité sanitaire de l’eau arrivant au robinet) ou encore la qualité du service voulue et la politique de l’eau à long terme qu’elle veut mettre en œuvre.

Cette connaissance précise a un réel intérêt pour la collectivité : si les SEA sont gérés en régie, alors la collectivité saura exactement quelle stratégie adopter, et dans le cas d’une DSP, cela lui permettra de négocier le contrat qui lui sera le plus adapté.

On relève que cet état des lieux peut constituer le socle de l’élaboration d’une stratégie RSE. Et si cet outil permettait aux collectivités de mieux maîtriser leur gestion des SEA?

 

Quel intérêt de la mise en place d’une politique RSE pour la gestion des SEA ?

L’ISO 26000 définit la RSE comme la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :

  • Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société
  • Prend en compte les attentes des parties prenantes
  • Respecte les lois en vigueur et est en accord avec les normes internationales de comportement
  • Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations[5].

Au vu de cette définition, on voit bien que certains aspects RSE sont d’ores et déjà identifiés et appliqués par les collectivités dans leur gestion des SEA. Il est par exemple raisonnable de penser que la collectivité connaît son tissu économique et social ainsi que la réglementation liée à l’eau et l’environnement.

Cependant, au-delà de l’intérêt de la reprise en main du sujet de la gestion des SEA mentionné au paragraphe précédent, la mise en place d’une stratégie RSE complète pourrait avoir plusieurs autres avantages. En effet, le souci du bien public et l’intérêt général étant la raison d’être des collectivités locales, elles ne peuvent être qu’en accord avec les dimensions sociales et sociétales de la RSE (6). Par exemple, la communication avec l’ensemble des parties prenantes pourrait permettre un ajustement de la politique de la gestion des SEA au plus juste des besoins, en respectant à la fois les contraintes réglementaires et sociodémographiques (tarif de solidarité, expansion de la collectivité, augmentation de l’activité industrielle…). Cela pourrait notamment avoir comme conséquence positive d’augmenter la mobilisation des citoyens-usagers ainsi que la prise de conscience sur les enjeux liés à l’eau[4].

Dans tous les cas, l’objectif est bien d’éviter tout désengagement de la part de la collectivité : il faut que celle-ci redevienne l’autorité organisatrice qui possède des connaissances solides lui permettant d’avoir la meilleure vision à long terme de la politique de l’eau à tenir. En tant que puissance publique, elle a un fort impact et peut ainsi protéger ses citoyens et son environnement.

 

S’inspirer des politiques RSE des délégataires?

Les collectivités pourraient parfaitement s’inspirer des politiques RSE des principaux délégataires de service public. En effet, certains de leurs objectifs correspondent tout à fait aux enjeux portés par une ville. Par exemple, SUEZ œuvre notamment pour la performance économique et environnementale et vise à améliorer l’efficacité énergétique des usines de production d’eau potable et des stations d’épuration, à service rendu équivalent, ou encore à augmenter, pour l’activité eau, le ratio production d’énergie/consommation d’énergie. SUEZ tout comme la SAUR ont la volonté de contribuer à une économie responsable et au dynamisme du territoire en favorisant l’emploi et le développement local. La SAUR et VEOLIA partagent une même vision de la protection de l’environnement en agissant contre les micropolluants et autres pollutions, en préservant la biodiversité, en luttant contre le dérèglement climatique. Ces deux entreprises s’engagent également pour la préservation des ressources en eau et pour trouver des solutions durables face au stress hydrique[7][8][9].

Tous ces éléments, s’ils sont d’intérêt pour une entreprise privée, le sont également pour une collectivité locale et nous avons vu qu’une stratégie RSE solide permettrait aux élus de reprendre la main sur ces sujets complexes, mais ô combien stratégiques dans les années venir, que sont l’eau et l’assainissement.

Sources

  1. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/leau-et-lassainissement
  2. http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-eau-qualite/service-public-eau/
  3. http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/gestion-de-leau-faire-ou-faire-faire
  4. http://www.fondation.univ-bordeaux.fr/wp-content/uploads/2016/01/observatoire-ppp-rapport-eau.pdf
  5. https://fr.wikipedia.org/wiki/ISO_26000
  6. http://www.lettreducadre.fr/9604/controle-interne-et-rse-une-vraie-reponse-aux-besoins-de-gouvernance/
  7. http://developpementdurable.suez-environnement.fr/feuille-de-route-2012-2016.html
  8. https://www.saur.com/developpement-durable/
  9. https://www.veolia.com/fr/groupe/profil/performance-rse

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