Article de Hervé Riou (MS EEDD parcours RSEDD 2023-24)
Introduction
La surface de la forêt en France métropolitaine n’a jamais été aussi importante depuis le XIème siècle. Après un minimum atteint au début de la révolution industrielle, la surface de la forêt française s’accroit régulièrement. La forêt joue un rôle essentiel dans la transition écologique par sa capacité à absorber le dioxyde de carbone CO2 contenu dans l’atmosphère. Alors que la surface des forêts en métropole continue de s’accroitre, on observe depuis une quinzaine d’années une réduction du puits de carbone.
Dans cet article après un inventaire rapide de la forêt française, nous allons définir son rôle dans le stockage du carbone, montrer comment se calculent les stocks et flux de carbone dans la biomasse des forêts. Nous évoquerons les principales causes qui mettent à risque la forêt allant jusqu’à lui faire perdre son rôle de puits de carbone dans certaines régions françaises.
Cette réduction peut s’expliquer par l’augmentation des différents stress subis par la forêt. Elle n’est cependant pas inéluctable. Nous montrerons le rôle de la filière forêt – bois dans la transition écologique et les pistes pour une gestion durable de la forêt en France métropolitaine. La tendance peut être inversée pour conserver et augmenter les capacités de stockage du CO2 des forêts à travers une adaptation des pratiques sylvicoles.
La forêt française
En 2022, la surface de la forêt française métropolitaine atteignait 17,3 millions d’hectares [1] ce qui représente environ 31% du territoire national. Une telle surface n’a jamais été atteinte depuis le XIème siècle.
Histoire de la forêt française en métropole
On estime qu’aux alentours de l’an mille, la forêt française couvre 25 à 30Mha soit 60% du territoire. A partir du cette période, les grands travaux de défrichement, de constructions religieuses et urbaines conduisent à une très forte réduction de la surface forestière pour atteindre environ 13Mha au milieu du XVIIème siècle.
En 1660 Colbert déclare : « la France périra faute de bois ». Il avait calculé que l’Angleterre pouvait alors fabriquer une centaine de navires de guerre avec ses forêts alors que la France ne pouvait plus en construire qu’une vingtaine. Colbert met en place une réforme de l’inventaire forestier royal. Cette réforme crée un court palier dans l’évolution de la surface de la forêt en France.
Cette stabilisation n’est que de courte durée et durant la seconde moitié du XVIIIème siècle et le début du XIXème la diminution des surfaces continue pour atteindre 6Mha, le niveau le plus bas de toute l’histoire de la forêt française [2].
Depuis 1827 la surface de la forêt croît régulièrement en France [3]. De 1908 à 2022, la forêt s’est étendue de 7,4Mha, soit à un rythme de plus de 65.000ha par an en moyenne [1].
La répartition de la forêt française en métropole
En France métropolitaine, le taux de boisement (rapport entre la superficie forestière et la superficie totale du territoire) s’élève à 31%. Cette moyenne masque néanmoins de fortes différences départementales. Cinq départements ont un taux de boisement inférieur à 10%: Manche, Vendée, Mayenne, Deux-Sèvres et Pas-de-Calais. Sept départements ont un taux de boisement supérieur ou égal à 60% : Corse du sud, Alpes-Maritimes, Var, Alpes de Haute Provence, Landes, Haute-Corse.
A qui appartient la forêt française ?
La figure ci-dessous donne la répartition des propriétés forestières.
Les trois quarts de la forêt française métropolitaine (13Mha) appartiennent à des propriétaires privés. La forêt privée française est très morcelée. 3,3M de propriétaires forestiers se la partagent. Seulement 3,1Mha (18 % de la forêt française) font l’objet d’un Plan Simple de Gestion obligatoire pour les propriétés d’au moins 25ha et sont détenus par 50 000 propriétaires. 9000 propriétaires possèdent plus de 100ha [4].
La forêt privée française demeure, sans conteste, un bien à caractère très familial. En effet, la transmission familiale [5] se révèle comme le facteur essentiel dans le processus d’acquisition. Près de trois propriétaires sur quatre reçoivent leur premier « bien forestier » par héritage ou par donation. Il en résulte que, compte-tenu de l’augmentation de l’espérance de vie, cette transmission se produit à un âge de plus en plus tardif pour le légataire et les héritiers.
Ainsi, plus de 50% des propriétaires privés ont plus de 65 ans. Il en résulte un risque pour la gestion future du bien, en effet plus le bien est transmis tardivement mois il sera intégré avec une vision productive par l’héritier. Il est important que le propriétaire de la forêt travaille à faire connaitre dans sa famille les biens forestiers possédés et les éléments de gestions bien avant la transmission. En forêt privée, quand le lien ne se fait pas entre les générations les impacts sur la sylviculture peuvent être très pénalisant [6].
S’inscrivant aussi dans la durée, la forêt apparaît comme un patrimoine foncier que l’on conserve de nombreuses années afin de le transmettre aux générations suivantes. Pour les propriétaires, l’attachement affectif au territoire pour le plaisir qu’il procure ou ce qu’il représente (l’histoire familiale, les racines) est très important. Ce lien très fort prime bien souvent sur la logique économique : pour une majorité de propriétaires, les bois sont un élément constitutif de leur patrimoine plutôt qu’un moyen de production et de revenus.
La forêt publique représente donc un quart des forêts métropolitaines. Elle se répartit entre les forêts domaniales (1,5Mha) et les autres forêts publiques (2,8Mha), essentiellement des forêts communales.
Dans l’ouest de la France, la part de la forêt privée est nettement plus élevée que la moyenne nationale et dépasse 90 % pour les régions Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. La région Grand Est est la seule région où la forêt privée est minoritaire (45 %).
Composition de la forêt française
La forêt française métropolitaine est majoritairement composée de feuillus qui représentent les deux tiers de sa superficie forestière. Le chêne est l’essence la plus présente avec près de 30% du volume de bois sur pied. Les résineux représentent le tiers restant.
La figure ci-dessous, issue de l’Inventaire Forestier National publié par l’IGN en 2023, donne la répartition des différentes essences de feuillus et de conifères par volume de bois [1].
Estimation du volume de bois de la forêt
L’IGN (institut national de l’information géographique et forestière) calcule et estime le volume de bois des peuplements forestiers. La ressource en bois est évaluée en prenant en compte les arbres dont la circonférence à 1,30 m de hauteur est supérieure ou égale à 23,5 cm (soit 7,5 cm de diamètre). Le volume estimé englobe la tige principale depuis le niveau du sol jusqu’à une section de 7 cm de diamètre (dit volume « bois fort tige ») [7] [8].
Le tableau suivant donne le volume de bois dans les forêts en France métropolitaine. Les chiffres de densité de population utilisés pour le calcul sont ceux du rapport de l’ADEME [9].
La densité supérieure des plantations de résineux (40% supérieure à celle des feuillus) permet de rapprocher le volume de bois des résineux de celui des feuillus.
Il est intéressant de constater les écarts de volumétrie de bois par typologie entre le rapport de l’ADEME [9] et l’Inventaire Forestier National [1]. Si l’écart reste faible pour les feuillus, +2% dans l’Inventaire Forestier National par rapport au chiffre du rapport de l’ADEME, ce n’est pas du tout le cas pour les résineux. En effet le chiffre donné par l’Inventaire Forestier National est inférieur de 21% par rapport à celui donné par l’ADEME. Néanmoins, nous utiliserons les chiffres du rapport de l’ADEME pour illustrer ce blog car ils présentent un calcul du stock et du flux de carbone dans la biomasse des forêts.
La forêt et le dioxyde de carbone CO2
Les plantes absorbent le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’air pour le transformer à l’aide de la lumière en énergie sous forme de glucose et libérer de l’oxygène (O2). Cette réaction chimique s’appelle la photosynthèse et se déroule en journée. Les arbres, grâce à ce processus, absorbent une quantité significative de CO2.
La photosynthèse
La photosynthèse est un processus qui se déroule en 6 étapes.
- Absorption de la lumière : les feuilles des végétaux contiennent de la chlorophylle, pigment qui capte l’énergie lumineuse. La chlorophylle absorbe la lumière violette, bleue et rouge tandis qu’elle diffuse les rayonnements des autres couleurs. Ainsi elle nous apparaît de couleur verte.
- Ouverture des stomates : les feuilles des végétaux absorbent le CO2 de l’atmosphère à l’aide de leurs stomates, des petits trous (invisibles à l’œil nu) situés sur leur face inférieure, ou des aiguilles pour les conifères.
- Échanges gazeux : les cellules végétales des feuilles contiennent une centaine de chloroplastes qui sont les sites de la photosynthèse. Le CO2 se déplace vers ces cellules et les chloroplastes.
- Réaction chimique de la photosynthèse : le CO2 est combiné avec de l’eau H2O sous l’effet de la lumière solaire. Cette réaction produit du glucose et de l’oxygène O2. La formule de la photosynthèse est la suivante : 6 CO2 + 12 H2O + lumière → C6H12O6 + 6 O2 + 6 H2O
- Utilisation du glucose : le glucose sert au de l’arbre et fait partie de ses principaux nutriments
- Libération de l’oxygène : l’oxygène (O2) est un sous-produit de la photosynthèse qui n’est pas utile à l’arbre et est donc rejeté.
Le rôle des forêts dans l’absorption du CO2
Le Conseil Supérieur de la Forêt et du Bois considère le secteur forêt-bois stratégique pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 [10]. En absorbant du dioxyde de carbone (CO2), grâce à la photosynthèse, les forêts jouent trois rôles essentiels dans l’atténuation climatique [9]:
- Un rôle de réservoir du fait du stockage de carbone dans la végétation et les sols des forêts, ainsi que dans les produits bois ;
- Un rôle de puits car l’augmentation des stocks de carbone dans le réservoir forestier permet de retirer du CO2 de l’atmosphère ;
- Elles peuvent également permettre une réduction des émissions d’origine fossile si on utilise le bois en substitution d’autres matériaux (acier, ciment, etc.) ou énergies (charbon, pétrole, gaz, etc.), davantage consommateurs ou émetteurs de carbone fossile.
Le rôle de réservoir de la forêt
Le réservoir de carbone forestier est composé de différents compartiments interconnectés : la biomasse aérienne et souterraine, le bois mort, la litière, la matière organique des sols. La quantité de carbone contenue dans l’ensemble de ces compartiments à un moment donné correspond aux stocks de carbone forestiers.
- La biomasse vivante aérienne et souterraine
D’après l’Office National des Forêts, un hêtre de 150 ans qui mesure 30 mètres de haut avec 80 cm de diamètre au pied pèse autour de 10 tonnes. Selon la même source, on estime qu’un arbre d’une tonne sur pied, racines comprises, pousse depuis trente à quarante ans. Par conséquent, si nous prenons le cas d’un arbre de 1 000kg dont l’humidité est de 100%, il sera composé de 500kg d’eau et de 500kg de bois sec. Un kilogramme de bois sec contient 475 grammes de carbone [11]. Le rapport des masses molaires, (C = 12, O = 16, CO2= 12+(16×2)= 44) donne un ratio de 44/12 soit 3,67 entre le carbone et le CO2.
Sur les 500kg de bois sec, un peu moins de la moitié (47,5%) est composée de carbone, ce qui représente 237,5kg de carbone. Pour fabriquer ce carbone, l’arbre a ainsi absorbé 237,5 x 3,67 = 872kg de CO2. En estimant un âge moyen de trente-cinq années, cet arbre aura absorbé 25 kg de CO2 par année. Ce calcul simple est une moyenne car la capacité d’absorption annuelle varie beaucoup au cours de la vie de l’arbre. Ce chiffre correspond 1/360ème de l’émission moyenne annuelle de chaque français qui est estimée à 9t de CO2. La biomasse vivante aérienne et souterraine contient 45% du carbone stocké par la forêt [9].
- La biomasse morte : 4% du carbone est stocké dans le bois mort [9].
- Les sols : le sol jusqu’à 30cm de profondeur contient 51% du carbone forestier [9].
Calcul du stock de carbone des forêts en France métropolitaine
Dans le rapport « Forêts et usages du bois dans l’atténuation du changement climatique » [9], l’ADEME présente comment se calculent le stock et le flux de carbone en tonnes par hectare dans la biomasse des forêts. Le rapport Secten de Citepa [12] détaille les flux et stocks principaux en millions de tonnes du puits forêt-bois en France métropolitaine. Nous allons reprendre et détailler les différents éléments du calcul de l’ADEME et donner les valeurs de stock et de flux en millions de tonnes.
A partir de la surface de forêt, du ratio entre feuillus et résineux, de la densité de plantation de ces espèces et des ratio de carbone, le tableau 1 permet d’estimer la valeur du stock de carbone et de dioxyde de carbone dans la biomasse vivante des forêts en France métropolitaine.
Tableau 1 : stock du carbone et du CO2 dans la biomasse des forêts en million de tonnes
Le rôle de puits de carbone
L’évolution du volume de bois dans les forêts est liée à la croissance des arbres, à la mortalité et aux prélèvements. Le tableau 2 donne l’évolution des volumes de bois en 2022 dans les forêts françaises avec les gains par croissance des arbres et les pertes par mortalité et prélèvements [9].
Le calcul de puits de carbone des forêts en France métropolitaine
L’évolution du volume de bois est convertie en million de tonne de carbone et de CO2 absorbé par les forêts. Le tableau 3 donne le calcul du carbone et du CO2 séquestré par la biomasse.
On remarque que l’accroissement annuel de la séquestration de CO2 est faible et ne représente qu’environ 1,3% du stock. On calcule que le bilan carbone de la forêt est positif. La forêt française stocke plus de carbone qu’elle n’en émet. Le bilan est estimé à environ 19Mt de carbone qui constitue un puits de carbone. On remarque que l’accroissement annuel de la séquestration de CO2 est faible et ne représente qu’environ 1,3% du stock.
En effet, tout système qui absorbe plus de carbone qu’il n’en n’émet est un puits. Le réservoir forestier est considéré comme un puits lorsque son stock de carbone augmente. À l’inverse, une réduction des stocks représente une émission de carbone vers l’atmosphère, ou une source.
Évolution du puits de carbone
Le Citepa est une association sans but lucratif, indépendante, réunissant des experts impliqués dans la protection de l’environnement et prônant le dialogue et le partage de connaissances. Il s’est engagé dans la transition écologique. Sa vocation scientifique est de produire et de transmettre des connaissances fiables sur les polluants atmosphériques et les gaz à effet de serre, d’accompagner les décideurs publics et privés et de renforcer les capacités des pays dans la lutte contre le changement climatique et la pollution atmosphérique. Il publie chaque année le rapport Secten sur les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France.
Le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changement d’Affectation des Terres et Forêt) constitue pour l’instant le seul secteur permettant des absorptions de CO2 grâce à la photosynthèse des plantes. Le carbone absorbé est provisoirement retranché de l’atmosphère en étant stocké dans la biomasse et les sols. En France, aujourd’hui, les absorptions (en premier lieu la croissance de la biomasse forestière et non forestière) sont plus importantes que les émissions de ce secteur (mortalité des arbres, déboisements, feux de forêt, artificialisation des sols…). Ce secteur est donc un puits net de carbone [12].
Ces flux annuels d’émissions et d’absorption du dioxyde de carbone de la forêt française se compensent en partie, mais sont à l’avantage des absorptions, d’où un bilan total de puits net pour le secteur UTCATF. Ce puits net a globalement augmenté jusqu’en 2008, principalement en raison de la hausse du puits forestier. Le recul de l’agriculture au profit de surfaces boisées dans certaines zones rurales et un taux de récolte peu intensif sur une partie du domaine forestier français ont expliqué cette capitalisation de carbone dans les forêts françaises, avec une croissance sur pied et une croissance en surface de la forêt. Néanmoins, cette hausse générale du puits est à nuancer par des événements ponctuels : les tempêtes de 1999 et de 2009, qui ont généré des dégâts importants et qui sont à l’origine de baisses ponctuelles du puits (forte mortalité en forêt).
Fortement à la hausse durant la période 1990-2008, le puits avait tendance à diminuer ces dernières années, passant d’environ -50MtCO2e au milieu des années 2000 à environ -37Mt CO2e en 2015. Depuis 2015 la diminution du puits s’est accélérée et il ne représente plus que 17MtCO2e en 2021, principalement en lien avec l’effondrement du puits de carbone forestier. Cette dynamique peut s’expliquer par :
- Le ralentissement de la croissance des arbres sur la période 2012-2020 est estimée à 4% par rapport à 2005-2013
- Le morcellement des parcelles, le vieillissement des propriétaires avec logique de gestion plus patrimoniale qu’économique et une gestion moins active sur les petites surfaces
- La hausse de la mortalité des arbres par l’effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015 et de crises sanitaires (dépérissement des arbres liés aux scolytes, chalarose, etc.)
- En 2022, les incendies ont détruits 72 000ha soit 0,4% de la surface forestière[13]
- La hausse des prélèvements
Le bilan net des gaz à effet de serre montre une situation très différente d’une région à l’autre. En 2021, certaines régions en particulier du nord et de l’est sont des sources de carbone (Champagne-Ardenne +2,5MtCO2, Lorraine +1,7, Franche-Comté +0,9), alors que les régions du sud restent des puits de carbone (Midi-Pyrénées -5,6MtCO2, Provence Alpes Côte d’Azur -3,7, Aquitaine -3,4).
Le rôle de substitution du bois
Le bois joue un rôle essentiel dans la transition écologique. Utilisé comme matériaux de construction ou comme énergie, le bois se substitue à d’autres matériaux beaucoup plus émetteurs. La filière bois regroupe trois catégories destinées à différents usages : le bois d’œuvre, le bois d’industrie et le bois énergie. En 2018, la récolte totale de bois en France métropolitaine représentait 56Mm3 dont 39Mm3 sont commercialisés et 17Mm3 sont auto-consommés principalement pour la production d’énergie [9].
- Le bois d’œuvre
La récolte de bois d’œuvre (20Mm3) représente un peu plus de la moitié du volume de bois commercialisé et se compose à 72,8 % de résineux. Il correspond à la coupe des parties centrale du fût principal de l’arbre. Il est principalement utilisé pour la charpente et la couverture, l’ameublement, les parquets et le lambris, l’emballage et le contre-plaqué.Il se substitue à l’acier, au ciment, aux briques et parpaings pour le gros œuvre et aux revêtements largement dépendant des énergies fossiles pour leurs processus de fabrication.
- Le bois d’industrie
Le bois d’industrie (10Mm3) est un co-produit du bois d’œuvre. Il correspond aux parties externes du fût et aux branches principales. Il est valorisé dans l’industrie papetière, la fabrication de panneaux de particules et de piquets et poteaux.
- Le bois énergie
Le bois énergie est soit consommée directement (17Mm3) soit à travers la filière pellets, il est le dernier sous-produit du bois d’œuvre (9Mm3). Là encore le bois remplace des énergies fossiles. En 2019, la filière bois représente environ 67% de la chaleur renouvelable. La récolte de bois énergie en forêt croit fortement (+265%) depuis 2008.
Allongement de la durée de vie et substitution
Un produit bois stocke du carbone pendant toute sa durée de vie. Plus elle est longue, plus le carbone retourne tard dans l’atmosphère. La durée de demi-vie est variable selon les produits et plus élevée pour le bois d’œuvre (50 à 30 ans) et les panneaux de particules (25 ans) que pour le papier carton (7 ans).
Les facteurs d’émissions de gaz à effet de serre des produits, matériaux et énergie issus du bois sont beaucoup plus faibles que ceux liés aux matériaux d’origine fossile ou minière plus énergivores (acier, PVC, béton, aluminium, etc.) et aux énergies fossiles (fuel, charbon, gaz). Utilisé en remplacement, le bois apporte un effet de « substitution » qui réduit les émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile et notre dépendance aux ressources non renouvelables.
Pour une gestion durable de la forêt en France métropolitaine
Depuis une quinzaine d’années le puits de carbone forestier se réduit chaque année. Le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changement d’Affectation des Terres et Forêt) a identifié quatre grands axes pour rétablir et augmenter le puits de carbone.
Changement d’occupation des terres
Les changements d’affectation des terres entraînent des flux de séquestration (gain) ou d’émission (perte) de carbone au niveau des sols et de la biomasse. Il faudra éviter au maximum de défricher des parcelles déjà boisées. Les terres arables en déprise agricole et les terres dégradées comme les friches sont les premières surfaces à boiser. Le choix des surfaces devra être fait de façon raisonnée pour ne pas concurrencer les terres agricoles à usage alimentaire.
Amélioration de la gestion forestière
Améliorer la gestion forestière doit avoir pour but de favoriser la production de bois d’œuvre qui présente une plus longue durée de rotation et une plus grande capacité de stockage. Il est possible de restaurer des forêts dégradées par du reboisement. Il est également encouragé de convertir les taillis en futaies. En effet le taillis ne procure pas de bois d’œuvre et sa durée de rotation est comprise entre 10 et 50 ans. Plusieurs éclaircies tous les 10 à 15 ans permettront de privilégier des individus pour favoriser leur développement d’arbre de haute tige et leur exploitation en bois d’œuvre.
Les techniques forestières éviteront d’altérer la qualité des sols, éliminer le labour et la mise à nu, éviter le tassement défavorable à l’équilibre hydrique et propice à l’érosion. Le troisième pilier est de préserver du bois mort pour créer des îlots de vieillissement ou des trames de vieux bois y compris les souches et de préserver les zones humides.
En parallèle, la formation des petits propriétaires privés est un enjeu essentiel car posséder une forêt est rarement une activité à temps complet. La plupart d’entre eux exercent, en parallèle, une activité qui n’a pas souvent trait à la forêt ni au bois. Certains peuvent se retrouver démunis face à la complexité des sujets et des enjeux auxquels ils doivent faire face.
Le Centre National de la Propriété Forestière, Fransylva et France Bois Forêt l’interprofession nationale de la filière forêt – bois proposent des opérations de formation et de sensibilisation à destination des propriétaires forestiers pour leur permettre de mieux appréhender les enjeux liés à leur forêt [14].
Plusieurs mesures sont à l’étude pour i) lutter contre le morcellement des parcelles par le regroupement, ii) faciliter les cessions et lutter contre la division au moment des successions, iii) imposer un diagnostic forestier au moment des cessions, iv) proposer d’abaisser à 20ha voir à 10ha la limite de surface pour élaborer un plan simple de gestion [15].
Filière bois éco-efficiente
Une filière bois éco-efficiente permet de prioriser le bois d’œuvre et les produits à durée de vie longue. En effet, celle-ci valorisera les co-produits et les sous-produits de l’industrie du bois, améliorera les rendements matières et énergiques, favorisera la réutilisation et le recyclage et limitera ses consommations énergétiques.
Assurer la résilience des forêts face au changement climatique et la préservation de la biodiversité
Pour jouer son rôle d’atténuation, la forêt doit avant tout être résiliente face aux effets du changement climatique. Les sécheresses prolongées et les températures extrêmes entraînent des problèmes sanitaires pour plusieurs essences (épicéa, sapin, pin sylvestre, hêtre, chêne pédonculé) avec une surmortalité forte pour certaines. La vitesse et la dynamique des changements dépassent dans certaines situations leur capacité d’adaptation naturelle.
Aujourd’hui on voit une évolution nette des climats en France métropolitaine avec une évolution très significative de la zone méditerranéenne et de la zone aquitaine au détriment des zones atlantique et nord-est. L’objectif est d’améliorer, enrichir ou transformer (par changement progressif d’essences ou de provenances) les peuplements les plus vulnérables, en premier lieu ceux qui ne sont pas adaptés aux conditions de station (sur les plans du climat, du sol ou du relief). Pour engager des actions de renouvellement des peuplements, l’équilibre forêt-gibier doit être trouvé.
L’augmentation constante des grands ongulés, plus particulièrement des cervidés, pose de gros problèmes pour certaines régénérations et induit des coûts de protection élevés. Cela peut aller jusqu’à dissuader le propriétaire de couper et mettre en marché son bois, par crainte ensuite de ne pas réussir la régénération de la parcelle [16].
Conclusion
Pour résumer, d’ici 2050, la forêt devra faire face au changement climatique, avec une élévation des températures moyennes et une modification des régimes hydriques qui auront des conséquences plus ou moins importantes, notamment sur la localisation des essences forestières. Sa situation actuelle la rend potentiellement vulnérable aux effets globaux de la sécheresse, du vent et des risques sanitaires, avec des incertitudes fortes au plan local sur l’amplitude de ces impacts : la longueur des cycles forestiers rend nécessaire d’entamer l’adaptation de la sylviculture dès maintenant [17].
En effet, la filière forêt-bois est au cœur d’enjeux majeurs qui concernent l’ensemble de la société et joue un rôle essentiel dans les transitions climatiques, écologiques, et énergétiques. La filière forêt-bois est un pilier de la croissance verte française qui permet de compenser environ 10 à 20 % des émissions françaises de CO2 grâce au stockage de carbone dans la biomasse forestière et à l’utilisation du bois en substitution d’autres matériaux (acier, ciment, etc.) ou énergies (charbon, pétrole, gaz, etc.), davantage consommateurs ou émetteurs de carbone fossile. On constate depuis un peu plus d’une décennie la diminution constante de la capacité d’absorption de la forêt française. Dans certaines régions du grand Est, perdant son rôle d’absorption, elle est même devenue une source d’émission.
Pour que la filière forêt – bois puisse réellement jouer ce rôle, il est nécessaire de développer les gains de compétitivité de l’industrie de première et de seconde transformation du bois, tout en adaptant la forêt et les pratiques sylvicoles au changement climatique.
Sources
[1]«INVENTAIRE FORESTIER NATIONAL_memento_2023».
[2]«http://foret.chambaran.free.fr/index.php?page=historique,»
[3]P. D. M. H. Paul Arnould, Atlas de France, 1995.
[4]«Les chiffres clés de la forêt privée française,» Centre National de la Propriété Forestière, Fransylva, 2021.
[5]«Propriétaires forestiers privés entre logique patrimoniale et logique entrepreneuriale,» FORÊTS ET SOCIÉTÉS, 12 01 2017.
[6]«Transmettre-generations-futures-foretsphere.html,» Fransylva. Available: https://www.fransylva.fr/transmettre-generations-futures-foretsphere.html.
[7]«Contribution de l’IGN à l’établissement des bilans carbone des forêts,» IGN, 2018.
[8]«Estimation du volume des bois sur pied,» Centre Régional de la Propriété Forestière.
[9]Ademe, «Le carbone forestier Forêts et usages du bois dans l’atténuation du changement climatique,» 2021.
[10]Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, «« Forêt de la planification écologique » : une action collective pour une forêt protégée et plus résiliente,» Paris, 2022.
[11]«https://ecotree.green/combien-de-CO2-absorbe-un-arbre,» Ecotree.
[12]«Citepa, 2023. Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques. Bilan des émissions en France de 1990 à 2022. Rapport Secten,» Citepa, 2023.
[13]Vie Publique au cœur du débat publique, «Feux de forêt : la lutte contre les incendies en six questions,» 2023.
[14]«https://franceboisforet.fr/2023/07/03/des-formations-courtes-pour-motiver-les-proprietaires-forestiers/,» France Bois Forêt.
[15]«La planification écologique pour la forêt,» Secrétariat général à la planification écologique, 2023.
[16]A. P. e. J. N. Cardoux, «Mission parlementaire relative à la régulation des populations de grand gibier et à la réduction de leurs dégâts,» Assemblée Nationale et Sénat, Paris, 2019.
[17]«PROGRAMME NATIONAL DE LA FORÊT ET DU BOIS 2016-2026,» Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.