Article d’Amandine Chevé (RSEDD 2021)

 

 

Il aura fallu mettre du cœur à l’ouvrage pour trouver un jeu de mots qui n’ait pas encore fait l’objet d’un gros titre. La voile a le vent en poupe, Des voiliers-cargos pour donner un nouveau souffle au fret à la voile, Un vent de nouveauté : le retour des voiliers cargos… C’est donc un sujet « dans le vent », mais veillons au grain. La voile, en guise de transport de marchandise, n’aurait-elle pas un petit côté « amish » ? Comme serait l’idée de se déplacer en charrette, à la Ingalls[1]. Car les corsaires n’ont pas attendu le XXIe siècle pour que cette technologie disruptive qui consiste à utiliser le vent comme force motrice, leur permette de traverser mers et océans.

 

LA VOILE, N’EST-ELLE PAS UN PEU RETROGRADE ?

Figure 1 : Le voilier cargo de Grain de Sail en transatlantique ©Grain de Sail
Figure 1 : Le voilier cargo de Grain de Sail en transatlantique ©Grain de Sail

Prenons l’exemple de Grain de Sail, qui avec son monocoque nouvelle génération de 72 pieds, et sa capacité de charge de 50 tonnes en cales, peut transporter café, vins et cacao entre le vieux et le nouveau continent avec un bilan carbone quasi nul. L’armateur-chocolatier-torréfacteur a fait de son voilier sa marque de fabrique et les affaires vont bon train. Mais est-ce bien sérieux ou anecdotique? Est-ce que la voile pourrait vraiment remplacer les immeubles flottants qui règnent sur nos océans et qui sont le symbole puissant de la mondialisation depuis près d’un demi-siècle ?

 

L’HORIZON DU GREEN SHIPPING : DES SOLUTIONS MAIS PAS DE CHANGEMENTS DE CAP

Figure 2: Porte-conteneur Bougainville, navire de la société CMA-CGM ©CMA-CGM
Figure 2: Porte-conteneur Bougainville, navire de la société CMA-CGM ©CMA-CGM

Une flotte dévastatrice

Quand on entend parler de Green Shipping, c’est encore rarement à propos des voiliers cargo. Les acteurs du Green Shipping travaillent principalement sur les projets de retrofit (i.e. rénovations ou réaménagements) dans le but de réduire l’empreinte écologique de la flotte existante.

« 60 000 géants d’acier brûlent quotidiennement 568 000 tonnes de fioul lourd »

 

Actuellement, ce sont 60 000 géants d’acier qui brûlent quotidiennement 568 000 tonnes de fioul lourd. Fioul lourd qui a pour particularité sa teneur élevée en oxydes de soufre SOx et oxydes d’azote NOx, principaux polluants atmosphériques. Depuis le 1er janvier 2020, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a limité la teneur en soufre du fioul lourd à 0,5 % m/m, contre 3,5 % m/m auparavant [2]. C’est mieux, mais c’est toujours trop. A titre d’exemple, le plafond règlementaire pour les véhicules utilitaires[3] est de 0,001 % m/m.

Le transport maritime représenterait à lui seul 3 % des émissions de GES mondiale, soit autant que le transport aérien. Selon l’OMI, son impact pourrait être multiplié par six d’ici 2050 et atteindre 17 % des émissions. De plus, la pollution engendrée par le transport maritime ne se limite pas aux seules émissions de gaz à effet de serre ; rejets de particules fines, dégazages, marées noires, pollution acoustique, pertes de conteneurs… Un cocktail qui a des conséquences dramatiques sur les écosystèmes aquatiques.

« Réduire la vitesse des navires de 1 à 2 nœuds permettrait de réduire les émissions de GES de 10 à 20% »

Le transport maritime peut donc mieux faire. Et il existe une multitude d’alternatives qui visent à rendre plus verte notre flotte mondiale. L’une d’entre elles est simple, c’est le slow steaming. Elle consiste à réduire la vitesse des navires de 1 à 2 nœuds et permettrait de réduire les émissions de GES de 10 à 20%[4]. Le risque, c’est que pour assurer des flux logistiques à niveaux constants, la baisse de vitesse pourrait conduire à une augmentation significative du nombre de navires en circulation et donc à terme, à une augmentation des émissions de GES.

 

Le fioul, premier poste de dépenses opérationnelles

Selon l’ISEMAR, le levier environnemental le mieux maîtrisé reste celui du choix du carburant. Le fioul est le premier poste de dépenses des coûts opérationnels d’un navire (environ 50 à 60 % du coût d’exploitation), et les écarts de prix entre les différents types de carburant impactent considérablement la rentabilité des navires pour les opérateurs. La meilleure alternative au fioul lourd est celle du gaz naturel liquéfié (GNL) et réduit le bilan carbone de 20 %. Le GNL permettrait aussi de supprimer les rejets de particules fines et de réduire les émissions de NOx de 80 %. Néanmoins, le coût de l’investissement est beaucoup plus élevé pour les navires GNL que pour les navires à propulsion thermique classique et il existe des problèmes d’avitaillement en GNL dans les ports internationaux ainsi qu’un manque d’équipage certifié. Il y existe aussi des solutions comme le biocarburant, le méthanol, l’hydrogène ou l’électrique, mais celles-ci sont encore à l’état embryonnaire. Leur déploiement à grande échelle soulève plusieurs questionnements ; ceux liés aux externalités négatives en amont, aux limites de production, ou encore aux conflits d’approvisionnement intersectoriels.

Pour optimiser le rendement énergétique du fret, le Green Shipping travaille aussi sur des innovations techniques multiples comme l’amélioration des systèmes de refroidissement, installation de chaudière composite, modifications des formes des carènes, revêtement de peinture anti salissure, technologie de lubrification, etc. Les projets de retrofit de navires sont nombreux, mais leur efficacité finale est difficile à mesurer et les coûts sont considérables. En plus du coût des équipements s’ajoutent le coût de l’immobilisation des navires.

« Seule une innovation de rupture, qui change le secteur en profondeur, pourrait entrainer une baisse nette des émissions de GES»

Ces alternatives, combinées les unes aux autres, pourraient avoir un impact significatif, mais sont en réalité adoptées avec parcimonie. Surtout, il ne s’agit pas d’un shift par rapport au modèle existant, et ce malgré l’urgence du réchauffement climatique. Seule une innovation de rupture qui change le secteur en profondeur pourrait entraîner une baisse nette et pérenne des émissions de GES. Aujourd’hui, le fioul lourd (HFO) demeure le principal combustible utilisé dans le secteur. On observe une baisse de son utilisation, largement compensé par l’utilisation des autres fiouls dont l’utilisation a augmenté significativement. In fine, l’utilisation de fioul certes moins émetteurs se traduit quand même par une tendance haussière des émissions de GES pour l’ensemble du secteur. Pourtant, l’OMI s’est engagée à réduire les émissions de GES du secteur de 50 % par rapport à 2008 d’ici 2050, tandis que l’OCDE annonce des volumes de fret international multipliés par quatre d’ici 2050. Pas le choix pour le secteur que de trouver des solutions plus radicales.

 

LE VENT : SOURCE D’ENERGIE ABONDANTE, ILLIMITÉE… ET GRATUITE !

« Sur un bateau, l’énergie du vent peut être captée sans intermédiaire »

Le vent est une source d’énergie renouvelable, abondante, illimitée et qui ne nécessite aucune transformation pour être exploitée. Il n’émet pas de polluant gazeux, ne nécessite pas d’infrastructures lourdes de transformation, de transport ou de stockage, ni à terre ni à bord. Sur un bateau, l’énergie cinétique du vent peut être captée sans intermédiaire, contrairement à l’électricité produite par des éoliennes par exemple, qui implique infrastructures, transformation (énergie cinétique, mécanique puis électrique), stockage, transport, pour assurer un usage final. Un voilier, lui, n’a besoin que de voiles et de vent pour avancer. Les technologies de propulsions véliques pourraient permettre de réduire la dépendance aux énergies fossiles, d’atténuer les impacts liés à la volatilité des prix des carburants, d’anticiper l’évolution des normes environnementales, et surtout elles pourraient bien être le shift tant attendu d’un avenir bas carbone pour le fret maritime.

Le vent, moyen de propulsion principale ou auxiliaire

Il existe cinq catégories principales de technologies de propulsion éolienne pour navires : voiles souples, voiles rigides, cerfs-volants de traction, rotors et turbines éoliennes.

Les technologies de voiles souples et voiles rigides sont l’apanage des nouveaux navires cargos, tels que ceux développés par Neoline, Zéphyr & Borée et TOWT. Pour la plupart des projets, la voile est le moyen de propulsion principale. Le vent permet une efficacité énergétique maximale pour ces voiliers de nouvelle-génération et le bilan carbone chute de l’ordre de 80-90%. Plusieurs projets sont en cours de développement, comme les navires pilotes de 136 m de l’armateur Neoline, ou encore le navire Canopée de Zéphyr et Borée spécialement conçu pour le transport du lanceur de l’Ariane 6 jusqu’en Guyane. Ce voilier cargo long de 121 mètres de long verra le jour en 2022 et sera propulsé par quatre ailes de 375 mètres carrés. Pour ces navires, le recours aux énergies conventionnelles devrait être complémentaire et limité à la sécurisation d’une vitesse commerciale minimale, aux manœuvres portuaires et à la production d’électricité à bord.

Figure 3 : navire Canopée porteur du lanceur de l'Ariane 6 de l'armateur Zéphyr & Borée ©Zéphyr & Borée
Figure 3 : navire Canopée porteur du lanceur de l’Ariane 6 de l’armateur Zéphyr & Borée ©Zéphyr & Borée

Ces voiliers permettent aussi une réduction drastique de toutes les externalités négatives des cargos traditionnels : rejets atmosphériques et aquatiques, bruit, risques de collisions avec des mammifères marins. Aujourd’hui limité à des frets spécialisés, de haute valeur ajoutée, et qui emprunte des routes maritimes secondaires, le fret à la voile séduit de plus en plus de chargeurs. Ainsi, des groupes comme Renault, Manitou, et Bénéteau s’engagent dans l’aventure et prévoient d’utiliser les voiliers cargo pour décarboner leur transport de marchandises d’ici 2030.

Figure 4 : exemple de technologie de rotors ©Norsepower
Figure 4 : exemple de technologie de rotors ©Norsepower

Les cerfs-volants de tractions, rotors et turbines éoliennes, sont des technologies de propulsions véliques dites auxiliaires car par opposition aux technologies de propulsion principale, elles ne peuvent pas permettre au navire de se déplacer sans moteur. Elles permettent néanmoins de soulager son effort et de réduire la consommation de fioul considérablement. Ces technologies peuvent également être installées sur des navires existants : les cerfs-volants de tractions d’Airseas s’ajoutent au-devant des navires et s’adaptent très bien aux porte-conteneurs qui n’ont que peu d’espaces disponibles sur leurs ponts. Leur utilisation pourrait réduire de 10 à 40 % la facture énergétique selon Airseas. L’utilisation des rotors, sorte de toupie fixée sur le pont des bateaux, est efficace pour les vraquiers et pétroliers et permettrait une économie de l’ordre de 10 à 20 % de la consommation énergétique du navire.

Figure 5 : le cerf-volant de Airseas ©DR Illustrations
Figure 5 : le cerf-volant de Airseas ©DR Illustrations

Cette technologie consiste à installer sur le navire des cylindres rotatifs qui sont actionnés par des moteurs de faible puissance utilisant un phénomène aérodynamique appelé l’effet Magnus. Les turbines éoliennes, comme les VentiFoil du néerlandais Econowing, fonctionnent grâce à un système d’aspiration et pourraient économiser 30 % de carburant. Enfin, Michelin s’attaque aussi au marché de la propulsion vélique auxiliaire et a développé Wisamo, une technologie d’aile gonflable qui viendrait réduire la facture énergétique de l’ordre de 30%.

« L’adhésion publique croissante des grands donneurs d’ordre, chargeurs et opérateurs, est fondamentale »

En septembre dernier, s’est tenu le salon Wind For Good à Saint-Nazaire, premier salon dédié à la filière du transport maritime propulsé par le vent. C’est un signal fort en faveur du développement de la filière envoyés aux acteurs du fret maritime.

Le choix de la technologie dépend du type de navires et de son profil opérationnel. Les technologies n’ont pas toutes la même efficacité énergétique. Les technologies auxiliaires ont surtout l’avantage de pouvoir s’intégrer dans les projets de retrofit et de répondre aux différents types d’usage des navires. Pour ce qui est des voiliers dont la voile est le moyen de propulsion principale, l’adhésion publique croissante des grands donneurs d’ordre, chargeurs et opérateurs, est fondamentale. Elle permet à la filière de gagner en visibilité et en crédibilité auprès du secteur de fret maritime. Car s’il y a bien une crainte des opérateurs et des investisseurs vis-à-vis de la voile, c’est celle du manque de prédictibilité des temps de trajets. Pourtant, la voile pourrait, contre toute attente, nous faire gagner du temps.

 

RIEN NE SERT DE COURIR ; IL FAUT PARTIR A POINT

Un fret maritime en perte de vitesse

« l’écosystème du fret maritime est devenu inflexible et a perdu son agilité »

Le transport maritime représente 90 % du trafic mondial. Tous les navires et marchandises empruntent les mêmes routes et s’amarrent dans les mêmes ports. A force d’optimisation et de standardisation, l’écosystème du fret maritime est devenu inflexible et a perdu son agilité. Un porte-conteneur qui obstrue le canal de Suez, et c’est le fret international tout entier qui est impacté. Les ports qui ont la capacité de recevoir nos porte-conteneurs et vraquiers géants sont limités en nombre et sont totalement engorgés, ce qui entraîne des records de retards de livraison. En mars dernier, seulement 40 % des livraisons seraient arrivées dans les temps, avec des retards moyens d’environ six jours. Les difficultés d’accès aux ports pour les transporteurs sont, elles-aussi, monnaie courante et causent des embouteillages géants dans les villes portuaires. Le développement de cargos voiliers pourrait être l’opportunité de se soustraire des routes commerciales et de la complexité des ports intermodaux titanesques. Se pourrait aussi être l’occasion de se passer de sous-traitants logistiques qui ont des destinations non-pertinentes, comme par exemple des transferts automatiques jusqu’au port du Havre ou d’Anvers, et de tracer enfin sa propre route sans intermédiaire.

La voile au gré du vent… et de la technologie

« la maitrise météorologique a beaucoup évolué et l’intelligence artificielle permet d’optimiser les routes avec précision »

Pour certains, la voile pourrait être aussi l’occasion de mieux maîtriser leur chaîne d’approvisionnement. C’est le cas d’Arcadis, importateur d’épices, qui s’approvisionnent dans des lieux difficiles d’accès en Afrique ou en Asie. La voile permettrait à la société de passer par la mer plutôt que par la terre, ce qui réduirait significativement les risques liés au transport dans des zones dangereuses et permettrait d’aller plus vite. La taille des cargo-voiliers facilite leur manœuvrabilité et permet de gagner en efficacité et en autonomie. La maîtrise météorologique a beaucoup évolué et l’intelligence artificielle permet d’optimiser les routes avec précision.

L’opportunité de s’ancrer dans le territoire

Agile et fiable, la voile pourrait aussi bien être une alternative au transport routier, nous explique l’ANEF[5]. Elle permettrait de réhabiliter les ports côtiers et fluviaux grâce aux cabotages et permettrait de décentraliser l’économie ce qui réglerait les problèmes d’engorgement dans les villes et périphéries. Reste encore à développer la filière. Sur le plan économique, c’est assez simple : plus le cours du baril de pétrole augmentera, plus la voile deviendra compétitive. Les défenseurs du secteur y voient le signe d’un vent qui ne peut que tourner en faveur de la voile. La propulsion vélique viendrait apporter une certaine stabilité financière, ce qui faciliterait l’investissement en faveur des voiliers cargos. L’intérêt pour les pouvoirs publics est aussi social, car la plupart des navires de commerce sont actuellement fabriqués en Chine. L’Europe, qui a une longueur d’avance sur la filière, pourrait asseoir les savoir-faire sur le territoire et créer un bassin d’emplois local pérenne.

 

LE MYTHE DE DAVID CONTRE GOLIATH

Il ne faut pas se laisser duper par l’apparente fragilité d’un voilier face à ses homologues mastodontes. Les qualités d’un voilier cargo sont multiples et ne sont surtout pas comparables à celles des cargos traditionnelles. Pour les early adopters[6] du fret à la voile, c’est l’opportunité de bénéficier d’une forte notoriété, car le retour de la voile est un marqueur puissant d’engagement de transition écologique et la seule véritable alternative décarbonée. C’est ce qui explique le succès de Grain de Sail, et l’engagement public récents de plusieurs marques de luxes Longchamps, Clarins, Pernot Ricard, Jas Hennessy & co…). Au-delà d’assurer un gain d’image, une plus grande agilité, et une meilleure maîtrise de sa chaîne d’approvisionnement, la voile fédère par les valeurs intrinsèques qu’elle véhicule. Elle implique un retour à la notion de temps, plutôt qu’un retour dans le temps et incarne humilité et esprit de résilience face aux éléments naturels. Elle entame, à l’aide des technologies actuelles innovantes et modernes, une régate dont l’objectif est de conquérir le fret maritime. Pourvu qu’elle gagne !

 

Figure 6: image libre de droits (pxhere.com, image 895952)
Figure 6: image libre de droits (pxhere.com, image 895952)

 

 

Sources :

Une énergie économique et écologique : la force du vent, ISEMAR , mai 2019
Environnement : des solutions innovantes pour les navires de demain, ISEMAR, février 2020
Quelle stratégie zéro carbone pour les acteurs du maritime ? ISEMAR, décembre 2020
Les émissions du transport maritime : questions économique et technologique, ISEMAR, novembre 2018
GSF, Retrofit Project, GreenShip.org, Retrofit Series 2020
Quels nouveaux carburants pour le transport maritime, Energiedelamer.eu, février 2020
Les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime, Les armateurs de France, décembre 2020
Study on the analysis of market potentials and market barriers for wind propulsion technologies for ships, CE DELFT, janvier 2017
Retransmissions des conferences du salon Wind for Good, Chaine Youtube Nantes Saint-Nazaire Développement

 


Références :

[1] La petite maison dans la prairie, série américaine des années 70 qui raconte l’histoire d’une famille de fermier du XIXème siècle.

[2] m/m : unité de concentration pondérale dite masse par masse

[3] Note de synthèse de l’Isemar numéro 216

[4] Is slow steaming a sustainable means of reducing CO2 emissions from container shipping? Pierre Cariou

[5] Association Nantaise d’Ecoconception Fluvio-Maritime

[6] Les adhérents de premières heures

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.