Fouziha Toumiat (RSEDD 2018)
Ces dernières années, la Qualité de Vie au travail (QVT) a fait parler d’elle à plusieurs reprises : au travers de « l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail », de la loi Rebsamen et du 3ème Plan Santé au Travail.
Tout d’abord, « l’Accord National Interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail » signé le 19 juin 2013, par les partenaires sociaux, a défini la notion de QVT comme étant « Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ». Non seulement il est question des conditions de travail des salariés mais également de l’action de ces salariés sur leur travail. Encore faudrait-il que leur entreprise leur en donne les moyens. Nous pourrions imaginer qu’en travaillant main dans la main, salariés et employeurs pourraient conduire une démarche QVT équilibrée dans l’intérêt de chacun.
Par la suite, l’ANI a influencé la loi Rebsamen du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. Cette loi a ainsi intégré, au code du travail, la notion de QVT et en a fait un sujet de négociation obligatoire. L’ANI a également influencé les pouvoirs publics qui a placé la QVT comme un axe stratégique important au sein du 3ème Plan Santé au Travail (08/12/2015). Ce Plan vise à valoriser le travail en l’inscrivant dans une dynamique d’amélioration conjointe du bien-être et de la performance.
Toutes ces initiatives montrent l’intérêt d’accorder une place importante à l’amélioration des conditions de travail pour les salariés. D’ailleurs, dans une enquête de l’institut CSA (oct. 2013), les salariés ont indiqué par ordre d’importance les moyens qui permettraient d’améliorer la QVT, à savoir « Entretenir une bonne ambiance dans l’entreprise », « Donner les moyens de bien faire son travail », « Reconnaître le travail de chacun » et « Améliorer l’organisation du travail pour faire mieux, plus facilement ». Permettre au salarié de s’exprimer, un point également essentiel. C’est ainsi que la Fédération Hospitalière de France a monté un groupe de travail pluridisciplinaire afin de faire un état sur la QVT et favoriser l’interaction avec des spécialistes en la matière ; partager les expériences en matière de QVT et définir des préconisations. Autre exemple, le groupe La Poste a instauré des espaces de dialogue, des discussions réunissant le manager et ses collaborateurs. Les salariés se sentent ainsi valorisés car ils participent à l’amélioration de leur travail. Leur savoir-faire est reconnu. Gérard Bellengier, Directeur de la stratégie sociale et de la QVT du groupe La Poste, ne peut que conclure à des enseignements positifs.
Il est indéniable que les salariés qui se sentent mieux au travail travaillent mieux.
Adopter une démarche QVT apporterait de nombreux bénéfices au salarié. Au-delà, cela touche la performance globale des entreprises. Comme le stipule l’ANI « la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises ». Les entreprises peuvent avoir un fort intérêt à s’engager dans une démarche QVT d’autant plus dans un contexte où les organisations se transforment de plus en plus et où nous sommes face à des évolutions technologiques, des évolutions sociales et sociétales. Prenons l’exemple, des temps de trajet Domicile/Travail qui se sont allongés. D’après une étude de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile de France (« Le quotidien des franciliens à travers leurs déplacements : une multitude d’agendas », mai 2017), un francilien met en moyenne 1 h 24 min chaque jour pour effectuer l’aller-retour direct entre son domicile et son travail. Aujourd’hui, pour parer à ces temps de trajet, si l’entreprise mettait en place le télétravail cela serait autant bénéfique pour le salarié que pour l’entreprise pour laquelle la productivité serait meilleure. En effet, une enquête du cabinet Conseil RH Kronos, indique, pour l’année 2016, que le recours au télétravail entrainerait en moyenne : une augmentation de la productivité de 22 % ; une augmentation du temps de travail de 2,5 % ; une baisse de 5,5 jours par an d’arrêts maladie . Cet exemple illustre bien l’impact des conditions de travail des salariés sur l’entreprise et ses performances. Cependant, selon l’ANACT (oct. 2015), bien que 60 à 70 % des salariés sont intéressés par le télétravail, seulement 14,2 % des salariés du privé et du public en bénéficie. Ce qui montre que cela reste loin d’être évident sur le marché du travail français.
De même, des experts s’accordent à dire qu’afin d’améliorer la performance globale des entreprises, il faudrait favoriser l’engagement et la motivation des salariés par la reconnaissance, l’autonomie, l’implication et la responsabilisation des salariés. Tout cela implique une nouvelle organisation de travail, une volonté des entreprises d’y croire et une prise de conscience des bénéfices apportés en terme de performance. Selon une étude de l’institut Gallup (« l’Engagement des Salariés » 2011/2012), les unités de production qui font partie des 25% des unités où l’engagement est le plus fort ont un niveau de productivité de 21% plus élevé que celles où l’engagement est le plus faible. L’entreprise Michelin a ainsi mis en place une nouvelle organisation visant à développer l’engagement des salariés par plus d’autonomie ce qui a fonctionné favorablement et s’est ainsi répercuté sur sa productivité. Quant à l’entreprise Labeyrie, elle a développé le projet « Crea 2020 », déclinées sur plusieurs thèmes, « Créa Vie, Créa Inno, Créa Business ». Chaque salarié est associé à l’innovation.
Qu’il s’agisse d’améliorer les conditions de travail des salariés ou d’améliorer les performances des entreprises, qui sont finalement liées entre elles , il est indispensable que le dialogue soit au cœur de la démarche QVT.
Dans le monde moderne d’aujourd’hui, plus personne ne devrait se poser la question de la mise en place d’une démarche QVT. Certes, la loi incite les entreprises à s’engager dans une démarche QVT mais la France est un pays dont les mentalités ont encore besoin d’évoluer.
Remise en cause organisationnelle, remise en cause managériale, des aspects à ne pas sous-estimer en s’engageant dans une telle démarche.
La QVT : un levier de compétitivité qui pourrait s’intégrer dans la stratégie de l’entreprise et s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.
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Sources
https://www.anact.fr/
ANACT : Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail
https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/adoption-du-3eme-plan-sante-au-travail
http://tnova.fr/rapports/la-qualite-de-vie-au-travail-un-levier-de-competitivite
https://www.cnews.fr/france/2017-06-01/combien-de-temps-les-franciliens-mettent-ils-pour-aller-au-travail-756811
Cliquer pour accéder à opi20131017-qualite-de-vie-au-travail-15-octobre-2013-csa.pdf
CSA : Consumer Science & Analytics
https://imatechnologies.wordpress.com/2014/10/27/etude-gallup-sur-lengagement-des-salaries-episode-1/