par Emilie Cardon (IGE 2019)

 

Andy Williams, en 1963, chantait pour la première fois sa désormais célèbre chanson “It’s the most wonderful time of the year”. Il est peu utile de préciser qu’il parlait de la période des fêtes de fin d’année et notamment de la célébration de Noël, au 25 Décembre.
Il est vrai que ces festivités de fin d’année réjouissent généralement petits et grands : les moments en famille, les bons repas, les cadeaux, la décoration de la maison, les villes éclairées de mille et une lumières … Tout est en fête et malgré le froid de l’hiver, chacun y trouve du réconfort.

Ces périodes de fêtes ne sont cependant pas sans impact sur l’environnement. Augmentation de la consommation, décorations lumineuses et consommation électrique, papier cadeau, repas, etc. : la période de fin d’année n’est pas une fête pour notre planète.

 

Un peu d’histoire

Il n’en a cependant pas toujours été ainsi. Nous oublions souvent les origines de Noël ; en voici un résumé.
Noël est aujourd’hui une fête, parfois jugée trop commerciale. Il peut être légitime de se poser la question : pourquoi une fête si commerciale alors qu’en France, le 25 est un jour férié pour des raisons religieuses ? Notre pays, d’origine judéo-chrétienne, célèbre en effet à cette date la naissance du Christ. En quoi cela justifie-t-il cet échange de cadeaux ?
La tradition remonte en fait à bien plus loin, dans l’Antiquité. Dans la Rome Antique, des denrées alimentaires étaient échangées, pour célébrer le dieu Saturne, dieu de l’agriculture et des semailles. On espérait, par ce geste, avoir une année abondante et fructueuse.
Au solstice d’hiver, les romains s’offraient des sommes d’argent, symbolisant la prospérité, le bonheur et la santé. Le terme d’étrennes (strenae en latin) n’est d’ailleurs pas anodin : l’échange se faisait au nom de la déesse de la santé Strenia.
Un troisième et dernier dieu était fêté dans l’Antiquité : le dieu Mithra, dont la naissance était glorifiée le … 25 Décembre ! En 330, c’est la date que les Chrétiens choisiront afin de célébrer leur messie, Jésus Christ.
La tradition des étrennes et des échanges de denrées alimentaires restera longtemps en place.
Elle va cependant profondément changer au cours du XIXè siècle. C’est à ce moment-là que la bourgeoisie de l’époque commence à offrir des cadeaux à leurs enfants. Noël devient signe de rassemblement, de partage en famille, de bons moments. La célébration religieuse se transforme progressivement en fête profane. Le rite du cadeau s’installe et s’étend aux classes plus défavorisées. Tandis que les familles bourgeoises offrent des jouets, les plus modestes préfèrent des pains d’épices, des biscuits, ou encore une orange, fruit rare et cher à l’époque.
En France, l’arrivée du Baron Haussmann et des grands magasins va amplifier le phénomène : la bourgeoisie s’y précipite pour y dénicher le cadeau parfait. Dans le même temps, les premières vitrines de Noël fleurissent un peu partout avec leurs décorations de Noël. (1)
Finalement, à la fin du XIXè siècle, les cadeaux se couvrent de papier coloré, afin de décorer encore plus la maison et surtout, pour garder le mystère du présent offert un peu plus longtemps (2).

 

Impacts environnementaux des fêtes

En un siècle, les choses ont bien changé et les impacts environnementaux de la période des fêtes sont malheureusement nombreux.
Les enfants français reçoivent désormais environ 8 cadeaux en Décembre. D’après une enquête FIMIF (Fédération Indépendante du Made In France) de 2016, seulement 7% des jouets vendus en France sont fabriqués sur le territoire national. Tout est donc importé, à 60% de Chine. Cette tendance n’est malheureusement pas en baisse. Entre 2013 et 2015, le montant en valeur des jouets importés a augmenté de plus de 11%.
L’impact de ces importations est considérable. En 2017, les émissions carbones liées aux importations représentaient autant que les émissions nationales du territoire français (3) (4).

Ces quelques chiffres nous permettent d’appréhender les émissions et impacts que peut engendrer ces 61 millions de jouets que retrouvent les français chaque année au pied de leurs sapins.

Ces sapins, parlons-en justement : 6 millions de conifères sont vendus chaque année, dont 1 million de sapins artificiels.
Contrairement aux idées reçues, le sapin synthétique n’est pas forcement écologique. Certes, il sera réutilisable mais une étude d’une société de conseil en développement durable canadienne (Ellio) a démontré qu’il fallait le garder près de 20 ans pour avoir une même empreinte carbone qu’avec des sapins naturels. Cela peut paraitre long surtout quand on sait que la durée de vie moyenne des sapins artificiels est de 6 ans ! (5)

La consommation énergétique est également un facteur important à prendre en compte quand on parle de l’impact environnemental de Noël.
Les décorations lumineuses de Noël sont désormais incontournables aussi bien pour les municipalités que pour les particuliers.
Aux Etats-Unis par exemple, la consommation électrique des illuminations de Noël est plus importante que la consommation nationale d’électricité en Ethiopie sur une année (7). L’équivalent de cette consommation électrique pourrait faire tourner 14 millions de réfrigérateurs pendant un an.
Il faut cependant relativiser ces données puisque ces 6,6 milliards de kWh consommés par les illuminations de Noël ne représente que 0,2% de l’usage total d’électricité du pays. (8)

En France, 1300 MW sont nécessaires pour les décorations de Noël, soit environ la puissance d’une centrale nucléaire. (10)
Ces dépenses énergétiques sont associées aux trois quarts aux particuliers et pour un quart aux collectivités. Pour les municipalités, ces illuminations représenteraient 10% de la consommation énergétique annuelle liée à l’éclairage public.

Il est important de préciser que ces consommations arrivent au pire moment de l’année. La consommation est déjà très élevée, due au besoin de chauffage et à l’éclairage de longues soirées hivernales. Rappelons que la France compte encore aujourd’hui quatre centrales à charbon. Bien que peu utilisées, elles produisent mensuellement entre 1 et 20% de l’électricité française, notamment en hiver, lors des pics de consommation. Le bilan carbone de l’électricité issue du charbon est de loin le plus important : 1 060 g de eqCO2/kWh, contre seulement 6 g de eqCO2/kWh pour le nucléaire … (11) (12)

 

Aspects économiques

Mais alors, en moyenne, combien cela coute-t-il aux familles françaises ? Une étude Cofidis faite en 2018 sur le budget des français pour Noël, nous informe que les français ont dépensé en moyenne 571€ pour leurs fêtes de fin d’années. La plus grosse partie, 320€, est réservée à l’achat des cadeaux. Le reste des dépenses se répartit pour le diner et les boissons, les transports et la décoration de la maison. Cela représente un budget conséquent puisque le salaire médian net mensuel français est de 1789€ (INSEE, Avril 2019). Cela veut donc dire que 31% du salaire du mois de Décembre est consacré à Noël, soit 5% des revenus annuels.

Noël prend une place tellement importante aujourd’hui dans le cœur des français que 32% d’entre eux se disent prêts à économiser toute l’année pour s’offrir de belles fêtes de fin d’année. (6)

 

Mais alors, que faire ?

Pour limiter au maximum ces pics de consommation et ces dépenses énergiques, plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en place : limiter sa consommation et donc les temps d’allumage (un minuteur peut être une solution pour aider à maitriser les périodes d’éclairage de votre maison) ou encore privilégier les décorations à LED qui consomment moins. Finalement, une des meilleures solutions est sans doute celle de la sobriété : limiter le nombre de décorations lumineuses dans la maison reste la solution la plus efficace !

Pour tous les éléments évoqués précédemment dans l’article, les solutions ne manquent pas non plus pour limiter l’impact environnemental de la période des fêtes.
Par exemple, privilégier les présents Made in France (ou européens) permet de réduire l’impact dû au transport. Pour ce qui est des cadeaux high-techs, des appareils reconditionnés peuvent être une option plus durable. Nos appareils électroniques contiennent en effet beaucoup de composants, extraits aux quatre coins de la planète et dans des conditions environnementales pas toujours satisfaisantes. A Noël 2014, dix millions de produits high-techs ont été achetés, pour 1,9 milliards d’euros dépensés.
Les cadeaux de seconde main sont évidemment un bel exemple de présents responsables : c’est l’occasion de débarrasser quelqu’un d’un objet qui ne lui est plus utile et éviter l’extraction de nouvelles matières premières.
Il est important de penser qualité et non pas quantité : un beau cadeau de bonne facture vaut sans doute mieux que plusieurs cadeaux de moindre qualité qui s’abimeront en un rien de temps.
Finalement, il est appréciable d’offrir des cadeaux vraiment utiles ou réellement demandés par la personne à qui ils sont destinés. En effet, les cadeaux qui n’ont pas convaincus sont souvent retournés ou échangés en boutique. Loin des idées reçues, ces produits ne sont pas toujours remis en circulation et revendus par la suite. Les produits ouverts, abimés ou mal repliés sont parfois jetés par l’entreprise qui les reçoit. La startup Optoro, qui aide les commerçants à mieux gérer les biens retournés, estime que rien qu’aux Etats-Unis, deux millions de tonnes de déchets sont générées uniquement par les retours produits. D’autres solutions existent pourtant comme de remettre en état les produits et de les vendre de nouveau, ou encore de les envoyer chez un discounter où les produits peuvent être vendus en l’état. Cependant, entre la gestion des stocks et l’envoi, ces opérations ne sont pas forcément rentables pour l’entreprise, qui préférera donc détruire directement ces produits.
Si un cadeau de Noël ne convainc pas, une option plus écologique peut être de revendre vos présents sur des sites de ventes entre particuliers. Cela donne l’opportunité à quelqu’un de faire un bon usage de ce présent, sans qu’il finisse à la poubelle. Beaucoup de Français l’ont déjà fait : entre le 24 décembre 2016 au soir et lendemain midi, déjà 100 000 annonces avaient été déposés sur eBay, soit 10 à 20% de plus qu’un week-end normal. (13)

Pour les sapins et la décoration, les idées ne manquent pas non plus. Nous avons en France beaucoup de sapins et certains sont même issus de l’agriculture durable. Attention à la fausse bonne idée du sapin à replanter ensuite : l’arbre a de fortes chances de ne pas supporter le choc thermique s’il reste trop longtemps dans votre intérieur.
Sinon, pourquoi pas ne pas réaliser soi-même son sapin ? Les tutoriels ne manquent pas et, en plus de passer un bon moment en famille, cela peut donner un peu d’originalité dans les intérieurs. Réutiliser, fabriquer, garder, réparer et créer sont les maitres-mots d’une décoration de Noël responsable !

Un sujet non encore évoqué dans cet article est celui du repas du réveillon. Beaucoup de solutions existent pour un Noël plus durable : des légumes biologiques, des produits locaux, une dinde élevée en plein air, etc. Gardez vos restes s’il y en a et mangez-les dans les jours qui suivent pour éviter tout gâchis. Cela peut sembler une évidence mais en Europe, au moment des fêtes, 17% des victuailles finissent à la poubelle. (14)

 

Pour aller plus loin

Pour un Noël écologique, il est donc primordial de repenser cette fête et sa symbolique. Essayons de retrouver l’esprit de Noël et tachons de remettre un peu d’authenticité dans nos périodes de fin d’année. Faisons en sorte qu’elles restent familiales, amicales, joyeuses et désormais durables !

Ainsi, peut-être que Noël redeviendra the most wonderful time of the year.

 

 

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Bibliographie

  1. Perrot, Martyne. Le cadeau de Noël. Histoire d’une invention. Paris : Autrement, 2013.
  2. Ratouis, Alix. Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux à Noël ? . Le Point. [En ligne] 02 Décembre 2015. https://www.lepoint.fr/dossiers/lifestyle/le-journal-de-noel/pourquoi-s-offre-t-on-des-cadeaux-a-noel-02-12-2015-1986593_2644.php.
  3. Commissariat général au Développement Durable. L’empreinte carbone, Note préalable au 3ème rapport gouvernemental annuel au titre de la loi SAS. Paris : Statistique publique, 2017.
  4. FIMIF. Les jeux et jouets fabriqués en France dans les enseignes spécialisées. FIMIF. [En ligne] 4 Novembre 2016. https://www.fimif.fr/les-jeux-et-jouets-fabriques-en-france-dans-les-enseignes-specialisees/.
  5. Couillard, Bage, Trudel. Comparative Life Cycle Assessment of artificial vs natural christmas tree. Montréal : Ellipsos, 2009.
  6. Garcon-Berson, Wladimir. Noël 2018 : les Français ont prévu de dépenser 571€ en moyenne. Le Figaro Economie. [En ligne] 20 Novembre 2018. https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/20/20002-20181120ARTFIG00005-noel-2018-les-francais-ont-prevu-de-depenser-571-euros-en-moyenne.php.
  7. American Department of Energy . Energy Savings Estimates of Light Emitting diodes in Niche Lighting Applications. Washington : Navigant Consulting Inc., 2008.
  8. Moss, Todd. US Holiday Lights Use More Electricity Than El Salvador Does in a Year. Center for Global Development. [En ligne] 18 Décembre 2015. https://www.cgdev.org/blog/us-holiday-lights-use-more-electricity-el-salvador-does-year.
  9. [En ligne]
  10. Chauvet, Audrey. Les illuminations de Noël, gaspillage énergétique ? . 20 Minutes. [En ligne] 13 Septembre 2014. https://www.20minutes.fr/planete/628839-20101125-planete-les-illuminations-noel-gaspillage-energetique.
  11. RTE. Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France. Paris : s.n., 2019.
  12. Degon, Thibault Brac de La Perrière & Xavier. Le contenu en CO2 du kWh. Equilibre des énergies. [En ligne] 12 Octobre 2018. https://www.equilibredesenergies.org/12-10-2018-le-contenu-en-co2-du-kwh.
  13. Les Echos. Le retour massif de cadeaux de Noël abîme la planète. Les Echos. [En ligne] 31 Décembre 2016. https://www.lesechos.fr/2016/12/le-retour-massif-de-cadeaux-de-noel-abime-la-planete-234877.
  14. Tesson, Marion Mathus & Daphné. Le guide pour un Noël au naturel. Qu’est-ce qu’on fait ? . [En ligne] 2017. https://www.qqf.fr/infographie/29/noel-responsable.

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