par Sophie de La Chaise (RSEDD 2018)

 

La vie avant le plastique …

Poids, durée de vie, résistance aux chocs, constructions… La société et les objets avant le plastique étaient bien différents. A titre d’exemple, l’hygiène dentaire n’a pas commencé avec le plastique. Bois tendres, poils animaliers, tissus, onguents ont été utilisés de part le monde depuis l’Antiquité. Le nylon – matière plastique de type polyamide – inventé dans les laboratoires DuPont de Nemours en 1938 et le manche en celluloïd créé dans les années 1950 en assurent, eux, l’hygiène et le succès. De même, avant la bouteille en plastique individuelle, l’eau coulait des fontaines urbaines et l’inexistence des supermarchés limitait les questions d’emballages. Pour autant, les problèmes sanitaires étaient là aussi critiques.
Valorisées aujourd’hui, les solutions d’hier n’étaient également pas toujours respectueuses de l’environnement. Le large usage du bois n’a pas été sans conséquence. Par exemple, le Cèdre du Liban, largement utilisé pour les constructions navales ou funéraires, a pratiquement disparu. En somme, on peut produire sans plastique à l’échelle d’une société moins nombreuse, moins mobile, moins exigeante, mais avec, déjà, des effets induits non-négligeables sur les conditions écologique ou sanitaire.

 

La “révolution” du plastique

Invention du XXème siècle, corollaire de l’industrie pétrolière, le plastique a facilité la production de nouveaux biens de consommation et en a démocratisé l’accès grâce à sa compétitivité. Depuis les années 1960, la société occidentale s’est construite autour du plastique : multiplication du petit et gros électroménager, modes de transports, cosmétique, vêtements, jouets et le plus polluant peut-être, les emballages… Trois cent vingt millions de tonnes ont été produites dans le monde en 2015 et la France est l’un des principaux consommateurs. Le plastique est devenu omniprésent, visible ou non, dans nos maisons, nos moyens de transport, nos bureaux, nos villes.

Demandez aux générations qui ont connu l’avant et l’après plastique de supprimer leurs biens et usages liés à ce matériau, ils y verront sans doute une régression incompréhensible !Il ne faut pas négliger les aspects positifs sur notre société, notre quotidien, notre santé, notre économie. Le constat est là : la société et l’économie des Trente Glorieuses et de la fin du XXème siècle ont bénéficié du plastique. A leurs enfants d’en dépasser les limites.

 

Le plastique, trop résistant ?

Initialement apprécié pour sa résistance, le plastique semble aujourd’hui envahissant et indestructible. En 2017, 25 millions de tonnes de déchets plastiques ont été produits par les Européens, 30 % seulement ayant été recyclés (9 % aux États-Unis!), 39 % incinérés et 31 % finissent en décharge ou dans l’environnement. Ce dernier chiffre en France est de 45 %.

Le plastique contamine les mers. Il s’accumule dans certaines zones en raison des courants, des vents ou de l’activité économique… Pensons aux côtes où l’on pêche autant de déchets que de poissons ou aux conséquences du tourisme estival en Méditerranée. Si les chiffres sont controversés, l’existence d’un septième continent mise en cause, le sujet est critique et choquant : l’absence de solution de remplacement est explicite et les images frappent les esprits. Les photos de tortues prises dans des filets ou des sacs se multiplient pour illustrer la pollution et les enjeux de développement durable.
D’une longévité sans égale, allant, jusqu’à cinq cents ans, les plastiques sont résilients !

 

Quelles solutions au “problème plastique” ?

La prise de conscience progressive a permis le déploiement de plusieurs leviers et la responsabilisation d’acteurs clés.
D’une part, l’arsenal législatif commence à limiter l’explosion des déchets plastiques ou à protéger certains espaces. Par exemple :

– les Nations-Unies et l’Union Européenne s’accordent sur le rôle majeur de ces produits dans la pollution des mers.
– en 2011, la déclaration de Hawaï par les industriels du secteur mobilise les acteurs autour de projets phares.
– l’Union Européenne interdit ou limite les plastiques à usage unique pour 2021, elle est suivie par certains états américains qui prenant conscience du sujet, souhaitent responsabiliser le consommateur. Il est à noter dans le cas de la Californie, que les pailles resteront disponibles, mais sur demande uniquement…

Ces initiatives, on le voit, si elles sont encourageantes, ont  un champ d’action limité et des délais d’implémentation très progressifs. Les institutions publiques se limitent à un rôle d’encadrement encore peu contraignant, ils donnent la direction, mais laissent aux acteurs économiques et sociaux la plus grande part du changement.
D’autre part, la recherche industrielle se concentre sur des solutions alternatives. Bois, charbon, bactéries et plus récemment déchets, protéines, produits agricoles sont testés pour créer un plastique biodégradable et / ou recyclable.Les solutions existent et commencent à se déployer, mais à quel prix ? En effet, le substitut aux plastiques d’hier devra pouvoir être produit à grande échelle, ne pas mettre à mal la compétitivité économique, ni avoir de conséquences tout aussi néfastes pour l’environnement.

Il faudra également mettre en place des processus de recyclage spécifiques : biodégradable ne signifie pas que le plastique disparaîtra sans action de l’homme, mais qu’une chaîne industrielle le permettra, par exemple sous forme de compost pour les sacs en matière végétale. Il n’en restera pas moins que les nouveaux plastiques qui se déverseront dans les océans pourront toujours être ingérés par les animaux ou que ceux qui tomberont à l’abri de la lumière et de l’oxygène subsisteront. On voit là l’ampleur du changement qui s’impose et requiert de repenser l’approche globale de notre industrie et économie, mais aussi nos habitudes collectives comme individuelles.

Le citoyen – consommateur, enfin, a donc un rôle crucial. Un rôle individuel de tri des déchets et de pratiques responsables. Un rôle social de contrepoids à l’économie en ne suivant pas les campagnes marketing ou modes qui négligent les enjeux de développement durable et en utilisant son pouvoir via ses habitudes de consommation. Un rôle éducatif vis-à-vis des prochaines générations – toujours plus nombreuses et plus inventives, elles seront le changement d’ampleur.

 

Les entreprises assumeront-elles leur rôle d’acteur social responsable ?

L’exemple du sac en plastique polluant gratuit, mais du sac biodégradable ou recyclable payant laisse à penser que l’entreprise n’agit que sous la contrainte juridique et que le consommateur est le principal contributeur au changement tant dans ses usages qu’avec son porte-monnaie. Pourtant, les acteurs économiques devraient prendre conscience du nouvel environnement sans attendre la fin de la manne pétrolière et en acter les conséquences. Celles-ci sont sans doute financières : peut-on produire “responsable” les mêmes quantités avec les mêmes marges ?

La loi Pacte en cours d’adoption en France allierait l’intérêt des actionnaires et le profit à la responsabilité sociétale dans une nouvelle définition de l’entreprise. Ce socle est fondamental pour favoriser le déploiement d’un modèle économique où la rentabilité se mesurerait sur un panel d’indicateurs. Pour conclure, si nous avons tous un rôle et l’endossons progressivement, les entreprises et industries sont le principal vecteur de l’innovation et de la commercialisation de substituts au plastique. Leur responsabilité sociétale est en jeu et pour être à la hauteur, elles doivent accepter de repenser leur rôle et leur modèle économique.

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