Depuis le 1er janvier 2014, les camions mis en circulation en Europe doivent respecter la norme de dépollution EURO 6. Un principe identique à celui des voitures particulières : chaque nouvelle norme impose des émissions de polluants atmosphériques à la baisse.
La norme EURO 6 oblige les constructeurs à utiliser un système de réduction des oxydes d’azote, ou SCR pour « Selective Catalytic Reduction ». Ce système est efficace a priori, car son utilisation permet de baisser les émissions de NOx de plus de 75% par rapport à la précédent norme EURO 5 (Cf. tableau plus haut). Ce système fait réagir les oxydes d’azote ou NOx présents dans les gaz d’échappement avec une solution aqueuse d’urée, aussi appelée « Adblue ». Sous l’action de l’urée, les NOx sont transformés en azote et en eau (Cf. schéma plus bas)
L’Adblue représente un coût pour les transporteurs routiers
Le coût de l’Adblue est d’environ 2€/L. Un camion consomme en moyenne 10L en pleine charge pour un trajet de 600km. Un transporteur routier de taille moyenne qui opère avec 20 camions pour 100’000km parcourus par camion et par an aura donc à supporter un surcoût lié à la nouvelle norme EURO 6 d’environ €65’000 annuels.
Le scandale Volkswagen a montré que le moteur diesel est difficile à dépolluer. Les camions n’échappent pas à cette règle. Les dernières normes antipollution ont fait augmenter le nombre de systèmes de dépollution embarqués (SCR, injection directe, filtres à particule, valves EGR etc.). Ceci s’est traduit par une augmentation du temps de maintenance et de la fréquence des pannes.
Dans un contexte ultra concurrentiel où il est difficile de faire supporter les surcoûts aux clients, et où les marges sont faibles de l’ordre de 2 à 5%, on voit qu’il est tentant pour un transporteur routier de chercher à minimiser voire à supprimer ce surcoût.
Adblue Emulator : La désactivation du système de dépollution
La pratique est apparue en Allemagne pendant l’été 2016 avant de se répandre dans les autres pays européens. Des sociétés peu scrupuleuses proposent aux transporteurs de désactiver électroniquement le système de dépollution (SCR). Résultat, la consommation de diesel, le taux de pannes et les coûts liés à l’achat d’urée diminuent, mais les conséquences sont néfastes pour la santé des citoyens. Les émissions du moteur ainsi reprogrammé font en effet un bon en arrière de 15/20 ans, soit un retour aux normes EURO 2 / EURO 3. Les émissions de NOx et de particules fines sont multipliées par 10 par rapport au maximum autorisé par la norme EURO 6.
Le lien ci-dessous montre la simplicité de la démarche pour quelqu’un qui souhaite désactiver le système de dépollution via un « Adblue Emulator » :
http://www.ecuflash.co/adblue-removal/
Strictement indétectable, sauf à mesurer les émissions du camion en temps réel…
Une première tentative de réponse des pouvoirs publics
Après la dénonciation de cette pratique par le journal Auto Moto en août 2016 et l’action de l’ONG Réseau Action Climat, l’Assemblée Nationale décidait d’adopter l’approche suivante fin 2016 lors d’une mission d’information : « Proposition n° 43 : Enclencher immédiatement une saisine de la DGCCRF(1) à l’encontre du « AdBlue Emulator Box » et de tout dispositif comparable permettant de désactiver le système de traitement des NOx sur les véhicules lourds. Interdire et sanctionner la vente en ligne de ces logiciels de fraude. Saisir la DGFIP(2) des implications de cette tricherie en matière fiscale. »
Hélas, la commission Royal abandonne le projet de loi copié plus haut, suite au changement de gouvernement…
La réponse des pouvoirs publics en 2018 sera-t-elle suffisante ?
Le gouvernement d’Edouard Philippe a repris le sujet et semble avoir sécurisé un budget pour le contrôle des poids lourds en 2018, selon l’ONG Réseau Action Climat. La technique de contrôle, en provenance des Etats-Unis, repose sur un système optique qui contrôle les émissions réelles d’un camion lorsqu’il circule. Ce système peut être mobile et s’appelle HEAT pour « Hager Environmental and Atmospheric Technologies » du nom du fournisseur – Hager – qui le développe.
Pourtant, l’impact du « diesel gate camions » devrait pousser à agir beaucoup plus vite : Selon le professeur Tomas Koch, spécialiste en moteurs poids-lourds à l’institut de technologie de Karlsruhe, rien qu’en Allemagne le montant de la triche à la norme EURO 6 représente environ 14’000t d’émissions de NOx additionnels, soit … deux fois plus que le diesel gate Volkswagen aux États-Unis !
Les poids lourds ne sont plus les seuls concernés. Depuis septembre 2017 et l’entrée en vigueur de la norme EURO 6c, les voitures diesel le sont également, avec le risque de voir exploser le recours aux émulateurs Adblue. Il devient donc urgent de déployer des systèmes de contrôle des émissions mobiles et banalisés, et d’impliquer les entreprises comme les constructeurs automobiles. Objectif : élaborer un plan d’action conjoint pour faire baisser drastiquement la triche aux normes anti-pollution.
par Patrick Foltzenlogel
Sources
https://energy.gov/sites/prod/files/2014/03/f9/2006_deer_clerc.pdf
https://www.europe-camions.com/actu-pl/a43382/comparatif-poids-lourds-euro-5-euro-6
https://www.heatremotesensing.com/edar-europe
https://www.theicct.org/cards/stack/vehicle-nox-emissions-basics
Auto Moto Aout 2016
Auto Moto Juin Juillet 2017
Lexique
- DGCCRF : Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
- DGFIP : Direction Générale des FInances Publiques
Bonjour j’ai acheté un camion 7t5 neuf chez iveco en juin 2015 mais il est encore euro5 aujourd’hui avec les zfe je ne peux plus circuler avec que puis-je faire